La cancérologie est-elle à la croisée des chemins, entre le feu d'artifice et l'implosion ? C'est certainement une question qui se pose.
Feu d'artifice dans tous les domaines :
Recherche fondamentale : l'élucidation en cours du rôle des parties du génome initialement considérées comme non codantes, mais dont on sait maintenant qu'elles codent pour de petits ARN (micro-ARN) jouant un rôle majeur dans la régulation de l'expression génique apporte un niveau important à la compréhension de la cancérogenèse. Elle fournit aussi des outils de criblage à haut débit par les banques de Si et Mi RNA. Elle permet d'étudier rapidement le rôle de gènes impliqués dans le cancer et de les cribler pour leur éventuel rôle de cible pharmacologique.
Recherche de transfert : quatre grands aspects sont illustrés. Caractérisation phéno- et génotypique des cancers permettant d'isoler des entités plus homogènes que la majorité des types histologiques, que ce soit au plan diagnostique, pronostique ou des indications thérapeutiques. Ces entités (cancers du sein basaloïdes, sarcomes avec translocation chromosomique, cancers bronchiques portant un gène du récepteur à l'EGF activé, cancers coliques avec mutation de KRAS...) permettent à la fois un diagnostic plus précis, mais aussi la caractérisation de formes sensibles ou résistantes à certains agents cytotoxiques et/ou à des agents moléculaires ciblés par la mise en évidence de leur(s) cible(s) pharmacologique(s). En découlent des stratégies différentes de recherche clinique fortement adossées à la recherche de transfert. Le corollaire est l'expansion rapide des tests et des marqueurs biologiques et notamment moléculaires, à la disposition des biologistes et pour lesquels une des difficultés est l'harmonisation des techniques mises en œuvre et la qualification des laboratoires amenés à les pratiquer. Expansion rapide aussi des concepts de contrôle immunologique de la croissance tumorale et passage à des essais vaccinaux de grande envergure témoignant de la maturité de cette approche. Recherche de transfert aussi dans les domaines de l'imagerie fonctionnelle qui, à la fois permet une sensibilité et une spécificité diagnostiques élevées, mais permet aussi l'étude de la viabilité de tout ou partie d'une tumeur, et maintenant étudie des voies métabolique et/ou de signalisation visées par les traitements. D'ailleurs, pas moins de 600 agents anticancéreux sont actuellement en cours d'étude et de 5 à 10 deviennent disponibles tous les ans.
Ces progrès dans la caractérisation d'entités homogènes de cancers ont tout naturellement été mis à profit pour définir, on l'a vu, et cela fait l'objet de sessions spécifiques à Eurocancer, des formes particulières de cancers du sein, de cancers digestifs et notamment colo-rectaux, de cancers bronchiques, de tumeurs conjonctives, de cancers cutanés, mais aussi de myélome. À ces formes correspondent des démarches diagnostiques, de bilan, et des indications thérapeutiques de plus en plus spécifiques. Ces méthodes sont accessibles dans la majorité des centres spécialisés en cancérologie et hématologie ; néanmoins, des imprécisions diagnostiques restent fréquentes en dehors de ces centres.
Les traitements loco-régionaux, longtemps considérés comme étape obligatoire, mais peu évolutive, du traitement sont en fait en plein essor : témoins les techniques de perfusions régionales isolées utilisables au niveau hépatique, ORL, des membres, du péritoine, et qui permettent de renforcer le contrôle loco-régional dans des cancers (tumeurs péritonéales, cancers ovariens, hépatocarcinomes, cancers des VADS) ou celui-ci est un déterminant majeur du pronostic.
Traitement de support et soins palliatifs avec, cette année, le point sur un domaine rapidement évolutif, celui de la cardiotoxicité de certains traitement anticancéreux, sur sa prédiction, sa prévention , son diagnostic et son suivi.
Cette longue énumération ne serait pas complète sans le point sur les métiers de la cancérologie (paramédicaux, psychologues, nouveaux métiers de la cancérologie).
N'y aurait-il donc pas de sujets d'inquiétude ? Si. Crise dans le recrutement des chirurgiens, renouvellement insuffisants des cancérologues, pénuries d'infirmières et d'infirmiers, de physiciens, de manipulateurs... À un moment ou le nombre absolu de cancers continue d'augmenter, ou le diagnostic et les soins deviennent plus complexes, une vraie crise démographique sanitaire s'annonce dans la majorité des pays développés. Retard persistant - croissant ? - dans la prise en compte des innovations diagnostiques que nous avons évoquées et auxquelles l'accès reste trop limité, même si elles permettent des économies thérapeutiques parfois considérables.
Difficultés, enfin, d'intégration économiques d'options thérapeutiques plus nombreuses et plus coûteuses.
Apprenons nous trop vite ? Cela n'est pas notre conviction à Eurocancer, et nous faisons et ferons tous nos efforts, avec nos partenaires scientifiques, pour permettre l'accès à tous les professionnels de l'état le plus actuel de l'art et des connaissances en cancérologie.
Président de Eurocancer, centre des innovations thérapeutiques en oncologie et hématologie, centre hospitalier universitaire Saint-Louis (Paris).
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