LES MEDECINS DES spécialités « à risque » verront-ils un jour le bout du tunnel de la flambée de leurs primes d'assurance, qui dure depuis plusieurs années ?
C'est ce qu'espèrent en tout cas les promoteurs du projet de gestion des risques baptisé « Résirisq » (pour RÉduction de la SInistralité des RISQues).
Elaboré depuis octobre 2003 par un groupe de travail installé par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes), ce projet consiste à mettre en place une structure nationale de gestion des risques, à l'image de celle que les anesthésistes-réanimateurs ont créée en 2001. « Résirisq » vise à réduire les risques d'accidents médicaux - et donc indirectement le montant des primes d'assurance en responsabilité civile professionnelle (RCP) - grâce à la promotion des référentiels favorisant la prévention et grâce au suivi de la fréquence et du coût des sinistres (« le Quotidien » du 9 mars).
Projet collectif.
D'emblée, le projet a plusieurs atouts. Le premier et non le moindre, c'est que ce projet collectif, piloté sur le plan méthodologique par l'Institut de recherche et de développement de la qualité (Irdq), a « l'accord de l'ensemble de la communauté médicale », souligne le Dr Jean Marty, défenseur du projet des unions régionales des médecins libéraux en matière de RCP (« Réconcilier droit et soins »).
Deuxième atout : « Résirisq » rend espoir aux spécialités médicales, déçues par le rapport, sur la RCP, de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGF/Igas).
On se souvient que ce rapport, publié en février, préconisait, avant toute réforme de fond, d'attendre jusqu'en 2006 pour mesurer les effets des lois Kouchner et About sur l'évolution de la sinistralité.
Groupe test.
Dernier atout en date : le projet « Résirisq » vient de recevoir « l'avis favorable » d'un groupe test composé notamment de représentants de l'assurance-maladie, des assureurs, des patients, des hôpitaux publics et des cliniques.
Les promoteurs de « Résirisq » devront toutefois revoir leur copie sur certains points pour satisfaire leurs interlocuteurs du groupe test. Pierre Maillard, président de l'Irdq, recense « quatre types de modification ». Il faudra en effet « retravailler sur les modalités de financement - normal, c'est le nerf de la guerre -, bien articuler le projet avec les établissements de santé [publics et privés, ndlr] au sein d'un nouveau groupe de travail spécifique, simplifier un peu le projet qui se voulait très complet sur le plan méthodologique » et, enfin, « préciser un peu le concept de labellisation des médecins, en l'articulant avec l'accréditation, les référentiels de bonne pratique et en élaborant un cahier des charges précis sur la contractualisation avec les médecins ».
Le problème du secret médical.
Le porte-parole du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss), Michel Ceretti, trouve la démarche de Résirisq « positive » puisque « l'amélioration de la qualité constitue l'une des grandes revendications des usagers ». Toutefois, il se pose « encore beaucoup de questions », en ce qui concerne notamment le respect du secret médical (compte tenu des « bases de données importantes » à constituer) et l'approche économique. Outre le système de financement, qu'il ne trouve « pas très clair », Michel Ceretti reste sceptique sur la double incitation des médecins, par la reconnaissance de la qualité et par une « rémunération complémentaire », dans la mesure où la labellisation apporte déjà « un plus commercial » dans un système transparent où les usagers font leur choix en fonction des critères de qualité.
Par ailleurs, souligne le porte-parole du Ciss, « il faut que les compagnies d'assurances s'engagent clairement vis-à-vis des professionnels de santé qui adhèrent à Résirisq afin que le dispositif se traduise mécaniquement par une baisse du montant des primes ».
Un message aux assureurs.
Michel Ceretti rappelle à ce titre que la loi About, fin 2002, avait, certes, diminué les risques couverts par les assureurs (1) mais, tout compte fait, « pour quelle diminution des primes ? », interroge-t-il. Le Dr Marty insiste de même sur le « message à adresser aux compagnies d'assurances », qui ne doit pas être perçu comme un feu vert à l'augmentation des primes RCP, sachant qu'il y a un financement derrière.
A la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA), Claude Delpoux constate, en l'état actuel du projet, que l'objectif de diminution de la sinistralité va « dans le bon sens ». En revanche, il précise qu'aucun assureur « ne peut se prononcer de manière absolue » sur l'évolution des primes, leur montant étant fixé « en fonction de ce que coûtent les sinistres », et donc en fonction de plusieurs facteurs, y compris « l'évolution du nombre de recherches en responsablité des médecins par les patients ».
Outre les assureurs, il faut aussi l'aval de l'Etat. « Il est clair qu'on ne peut rien faire si le ministère de la Santé ne s'engage pas avec nous dans ce projet, confirme le président de l'Irdq. Des contacts vont être pris dans les jours qui viennent pour connaître sa position. Nous rentrons dans une nouvelle phase de définition précise du dispositif Résirisq car nous voulons l'intégrer dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale [Plfss 2005, préparé dès l'été, ndlr] ; donc nous n'avons pas beaucoup de temps devant nous et les médecins, comme les représentants des patients, s'impatientent. »
Trois spécialités prioritaires.
Par souci d'efficacité, les promoteurs de Résirisq envisagent de « focaliser dans un premier temps le nouveau dispositif sur les trois spécialités médicales les plus sinistrées », à savoir la chirurgie, l'obstétrique et l'anesthésie-réanimation, dès la fin de l'année.
Le temps presse car l'enjeu n'est pas mince. Face à « la perte de confiance dans la relation médecin/patients », Michel Ceretti estime que le projet est susceptible de regagner cette confiance grâce à « des éléments de preuves » de sécurité. Le représentant du Ciss fait aussi valoir qu'il est grand temps d' « inverser la tendance » à l'heure où le montant de la prime RCP est devenu « un indicateur de désertion » des internes dans certaines spécialités.
Enfin, si rien ne bouge d'ici là, le Dr Jean Marty rappelle, en tant que cadre du Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof), que « cela va éclater au mois de septembre » chez tous les spécialistes libéraux effectuant des actes chirurgicaux « lorsque les assureurs leur diront que, techniquement, ils sont obligés d'augmenter encore leur prime ». Déjà accaparé par la réforme de la Sécu, le ministère de la Santé devra tenir compte de la menace non négligeable d'une grève illimitée des actes chirurgicaux à la fin de l'été.
(1) Par un transfert de la prise en charge des infections nosocomiales les plus invalidantes vers l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam).
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