Un ophtalmologiste assassiné à Neuilly-sur-Seine

Publié le 22/07/2001
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C' EST dans une « rue très tranquille », en plein Neuilly-sur-Seine, une ville cossue et bien gardée de la périphérie parisienne, que le Dr Pascal Barraco a été tué par un dément, dans des conditions particulièrement horribles.

« Poursuivi chez lui, dans son cabinet par un patient mécontent, gravement atteint de troubles psychiques, qui aurait à son actif d'autres incidents », témoigne non sans émotion le Dr Michel Legmann, maire adjoint chargé de la sécurité des Neuilléens depuis vingt ans. La communauté médicale locale, comme le Dr Jean-Alain Cacault, secrétaire général de l'ordre des Hauts-de-Seine, est atterrée. La victime, père de famille, était connue pour son « excellente réputation ». L'agresseur, qui attendait à la porte du cabinet, a d'abord frappé le praticien au visage, en bousculant un gamin de 9 ans et son père qu'il raccompagnait vers la sortie. Puis, muni d'une arme, il a fait feu et a atteint mortellement le Dr Pascal Barraco. Avant de s'enfuir, l'homme, qui sera identifié par la suite par la brigade criminelle comme un patient insatisfait, a demandé aux personnes présentes d'appeler le SAMU.
Selon la police, l'ophtalmo s'était plaint auprès du commissariat, en novembre 2000, de ce qu'un ancien patient, opéré il y a dix ans, avait proféré des menaces à son encontre à plusieurs reprises, et avait précisé que l'individu, mécontent des soins reçus, était atteint de troubles psychiques.
« La profession devient de plus en plus risquée, commente le Dr Michel Legmann, vice-président de l'ordre départemental. Ici, des confrères ne se rendent plus dans des cités, où ils sont agressés, comme les pompiers. Là, on ne peut recourir à des accompagnateurs en uniforme, car c'est mal perçu par les populations vivant dans les quartiers chauds. Alors, poursuit le radiologue, on parle du bien-fondé des « maisons médicales sécurisées », dans lesquelles s'exercent un travail d'équipe. Mais que faire face à un fou armé ? Il est très difficile d'incriminer nos confrères psychiatres. Ils ne peuvent pas maintenir tous ceux qu'ils soignent derrière quatre murs. Les patients en question sont cycliques : quand ça va bien, le traitement en ambulatoire a cours, et c'est parfois à ce niveau qu'on enregistre des récidives. De mon point de vue, il appartient, plus que jamais, aux pouvoirs publics de prendre en main les risques du métier de médecin. On sait combien de chauffeurs d'autobus sont agressés, mais les médecins et les pharmaciens, on s'en fout. Enfin, il se pourrait que cela évolue, espère le Dr Legmann . Le ministère de la Ville a organisé un colloque sur le sujet, tout récemment » (« le Quotidien » du 17 juillet).
Au nom de l'Ordre national, le Dr André Chassort, secrétaire général adjoint, tient à exprimer sa solidarité à la famille du Dr Pascal Barraco. « Le drame, souligne-t-il, est celui de l'injustice et de la fatalité. Un règlement de compte à l'état pur. Maintenant, recommande le responsable ordinal, face aux patients dangereux, le travail en réseau, y compris avec le concours d'équipes non médicales, peut apporter des solutions à certaines situations. Grâce à la communication entre acteurs de santé, on doit pouvoir signaler qu'Untel, suivi en ambulatoire, n'est pas très bien, et se trouve dans tel quartier en ce moment. L'alerte ainsi lancée devrait aider à éviter le pire. »
En vingt ans, plus de 40 médecins ont été tués, dont 12 femmes en dix ans.

Au Havre, les libéraux
se protègent

Les médecins libéraux du Havre, en Seine-Maritime, qui se sont dotés d'une Domus Medica, pour faire face à des conditions de travail à risque, notamment la nuit tombée et en fin de semaine, tiennent à préciser qu'ils ont créé cette structure sans l'aide de l'Ordre et de la ville. La Domus Medica est leur propriété, « chacun ayant participé à son achat », souligne le Dr Alain Probst, président des Médecins libéraux du Havre (« le Quotidien » du 17 juillet). Elle est ouverte la nuit et les samedis et dimanches.

Philippe ROY

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6954