Décision Santé. Croyez-vous en une recette miracle pour redresser les comptes sociaux ?
Didier Tabuteau. Il n’y a aucune recette miracle. De toute manière, il faut distinguer deux types de déficits : le déficit structurel, celui qui s’accumule chaque année, parce qu’il n’y a pas assez de financement, et le déficit conjoncturel lié aux conséquences de la crise. Sur le conjoncturel, il doit être remboursé progressivement puisqu’il y a eu un endettement dans ce domaine.
Sur le déficit structurel, il faut sortir de ce système, où tous les ans, on accumule un déficit compris entre 5 et 10 milliards d’euros. Il faut que la maîtrise des dépenses et les ressources supplémentaires permettent tous les ans d’équilibrer l’assurance maladie. La recette miracle, c'est de prendre les mesures qui sont nécessaires chaque année, et pas attendre trois ou quatre ans.
D. S. Un Ondam à 2 % vous paraît-il raisonnable en 2010 ?
D. T. 2 % c’est très rigoureux, ce sera extrêmement difficile à tenir. Ça éviterait d’avoir à financer plus. Reste la question des ressources selon les résultats économiques, la croissance de la masse salariale, dont dépendent les recettes de l’assurance maladie. Je comprends qu’il y ait un Ondam serré, compte tenu des perspectives économiques, mais cela ne résout pas la question de fond : nous traînons 0,5 point de CSG par an de déficit. Ce déficit structurel, selon moi, ne doit pas être financé par l’endettement. Nous devons assumer nos dépenses de santé l’année même où on les consomme.
D. S. Faut-il augmenter la CSG ?
D. T. Il faut augmenter la CSG pour que l’assurance maladie s’équilibre. C’est une obligation pour ne pas casser ce très beau système social.
D. S. Ce serait une augmentation de 0,5 point de CSG ?
D. T. Si l’on en reste au déficit structurel, il est de l’ordre de 5 milliards d’euros, qui correspond à 0,5 point de CSG.
D. S. Vous avez affirmé dans un entretien du Monde que le niveau de remboursement des soins, hors ALD et hospitalisation, était de 55 %. Ne craignez-vous pas que si l’on contraint l’Ondam, on aggrave le déremboursement ?
D. T. Tout dépend de la manière dont on procède. Si l’on modère les tarifs d’un certain nombre d’actes, il n’y a pas aggravation du reste à charge. En revanche, si vous déconnectez les tarifs de remboursement des prix réels, il y a augmentation du reste à charge. Ce sont deux choix possibles. En soi, un Ondam rigoureux n’est pas synonyme d’augmentation du reste à charge.
D. S. Selon vous, s’oriente-t-on vers une augmentation du reste à charge ?
D. T. Depuis quelques années, le choix est délibérément pris d’augmenter le reste à charge, à travers les forfaits franchises, mais aussi la multiplication des dépassements d’honoraires. On peut ajouter à cela l’augmentation du ticket modérateur, du forfait journalier. Nous sommes dans une démarche où le reste à charge s’accroît très significativement. Entre 2007 et 2008, la part remboursée de l’assurance maladie est passée de 77 à 75,5 %.
D. S. Dans pareil contexte, quel rôle vont jouer les mutuelles ?
D. T. La tendance lourde est la montée en puissance des complémentaires. Certaines sont dans une démarche d’expansion, d’autres non. Les mutuelles par exemple sont restées proches de l’assurance maladie. De toute manière, dès lors que l’on augmente le reste à charge, mécaniquement, les complémentaires prennent plus d’importance. Dans un futur proche, le fait d’être actif, et donc d’avoir une mutuelle prise en charge par son employeur, sera de plus en plus un élément de distinction sociale.
D. S. Pensez-vous que laisser les mutuelles jouer un rôle plus important serait une solution aux déficits de l’assurance maladie ?
D. T. Ce serait une manière très inégalitaire de résoudre les problèmes de l’assurance maladie. Dans leur grande majorité, les assurances ne sont pas tarifées en fonction des revenus et sont en partie tarifées en fonction du risque.
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