DE NOTRE CORRESPONDANTE
«CETTE ÉTUDE apporte la confirmation que de nombreux gènes impliqués dans le cancer doivent encore être identifiés», déclare dans un communiqué le Dr William Hahn, du Dana-Farber et du Broad Institute de Harvard et MIT (Boston). «Pour ce qui est de l'identification des gènes pouvant être ciblés par un traitement, nous n'avons fait qu'effleurer la surface.»
À l'origine de cette étude, l'intérêt porté à une protéine, la bêtacaténine, un facteur de transcription qui est hyperactivé dans la majorité des cancers colo-rectaux. Ce facteur de transcription, qui régule de nombreux gènes, contribue à la croissance, l'invasion et la survie de presque tous les cancers colo-rectaux.
La technique d'interférence ARN.
Jusqu'ici, il est apparu impossible de cibler avec des médicaments les facteurs de transcription.
Toutefois, les gènes influençant ces facteurs de transcription représentent des cibles pharmacologiques intéressantes, offrant la possibilité d'enrayer le processus malin.
L'équipe du Dr William Hahn s'est donc fixé pour objectif d'identifier des gènes (ou oncogènes) qui stimulent l'activité de la bêtacaténine et qui sont également essentiels pour la prolifération des cellules du cancer du côlon.
Pour cela, ils ont étudié des lignées cellulaires du cancer du côlon (dépendant de la bêtacaténine pour la prolifération) en les soumettant à deux dépistages de perte de fonction reposant sur la technique d'interférence ARN (ARNi).
Dans un premier dépistage, utilisant une librairie d'ARN interférent (ou plus exactement des ARN short hairpin ou shARN), l'inactivation de milliers de gènes, un par un, a permis de découvrir 34 gènes qui sont requis pour l'activité de la bêtacaténine.
En cause, le gène CD8, une kinase.
Dans un autre dépistage, l'emploi d'une librairie de shARN, afin d'inactiver des milliers de gènes un par un, a permis d'identifier 166 gènes essentiels pour la prolifération des cellules cancéreuses.
La combinaison de ces deux dépistages a fait apparaître seulement 9 gènes dont l'inactivation inhibe à la fois l'activité de la bêtacaténine et la prolifération des cellules du côlon.
Il restait aux chercheurs à voir si l'un de ces 9 gènes est amplifié dans le cancer du côlon, favorisant ainsi le processus tumoral.
Le génome de 123 échantillons de cancer colo-rectal a été analysé à la recherche d'un gain du nombre de copies.
Résultat, parmi les 9 gènes, seul le gène CDK8 résidait dans une région amplifiée du chromosome 13q12 dans près de la moitié des échantillons tumoraux.
CDK8 est une kinase membre du « complexe médiateur », qui sert à coupler des molécules intervenant dans la transcription des gènes.
Les chercheurs ont confirmé que CDK8 est bien un oncogène et qu'il dépend pour cela de son activité kinase.
De plus, si CDK8 est requis pour la transformation maligne médiée par la bêtacaténine, leurs observations suggèrent que le potentiel oncogénique de CDK8 pourrait s'étendre au-delà de sa capacité à activer la bêtacaténine.
«Cette étude démontre que le blocage de CDK8 interfère avec la prolifération des cellules du cancer du côlon qui possèdent des taux élevés de protéine CDK8 et une bêtacaténine hyperactive», conclut le Dr Hahn.
«Des médicaments qui cibleraient CDK8 pourraient être extrêmement utiles contre les tumeurs dont la croissance est favorisée par la bêtacaténine», estime-t-il.
« Nature », 15 septembre 2008, DOI : 10.1038/nature 07179.
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