DE NOTRE ENVOYÉE SPECIALE
LE SÉNÉGAL a été le premier pays en développement à financer la vaccination de routine sur son propre budget. Son programme élargi de vaccination (PEV) existe depuis vingt-cinq ans, mais le pays a enregistré une baisse de la couverture vaccinale jusqu'à des taux de 50 % dans les années 1990. Le nouveau plan stratégique mis en place en 2002 a tenté de surmonter les obstacles rencontrés : rupture de l'approvisionnement en vaccins ou de la chaîne de froid, manque de personnels qualifiés, mauvaise information et difficultés d'accès à certaines populations. La couverture vaccinale atteint aujourd'hui des taux de 70 %, voire plus de 80 % dans certains centres comme le dispensaire Gaspard Camara de Dakar.
« Notre objectif est d'atteindre les 90 % », affirme avec conviction le nouveau et jeune ministre de la Santé, de l'Hygiène et de la Prévention, le Dr Issa Mbaye Samb, nommé en août 2003. Le forum sur la vaccination est l'occasion de rappeler qu'une mobilisation de tous les acteurs engagés reste nécessaire pour la réussite de la prévention des maladies qui continuent à toucher et tuer les enfants (la mortalité infantile est de 57 pour 1 000 naissances vivantes). « Les résultats sont encourageants », affirme le Premier ministre, Idrissa Seck, qui note qu'aucun nouveau cas de poliomyélite n'a été enregistré depuis cinq ans et que la campagne de janvier 2003 en faveur de la vaccination contre la rougeole porte ses fruits.
Un budget sécurisé.
Cependant, le défi est bien d'inscrire ces résultats dans la durée avec un « budget renforcé et sécurisé ». Le partenariat engagé avec l'Alliance mondiale pour les vaccins et l'immunisation (Gavi) doit permettre non seulement de compléter les programmes déjà mis en place (amélioration des structures de vaccination et fourniture de matériel d'injection à usage unique), mais surtout d'élargir le PEV de routine à l'hépatite B. Le vaccin contre l' Haemophilus influenzae de type B sera inclus plus tard, grâce au vaccin pentavalent.
Lancé en janvier, le nouveau programme, financé à hauteur de 24 millions de dollars, devrait assurer la vaccination contre l'hépatite B de 1 440 000 enfants en cinq ans. Dès la première année, l'objectif est d'atteindre 75 % des enfants qui reçoivent le DTP3 (3 doses complètes de vaccin contre la diphtérie, le tétanos, et la poliomyélite avant 3 ans). Le gouvernement sénégalais s'est pour sa part engagé à vacciner 816 000 enfants de plus entre 2006 et 2009. A terme, le programme devrait toucher tous les petits Sénégalais.
Gavi et son organe de financement, le Fonds mondial pour les vaccins, ont été créés en 2000 dans le but d'améliorer la couverture vaccinale dans les 75 pays les plus pauvres du monde (PNB inférieur à 1 000 dollars par an). Le partenariat qu'elle propose se fonde sur une approche originale de l'aide au développement qui a servi de modèle à d'autres organismes comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Les subventions sont accordées aux pays éligibles s'ils ont mis en place un comité de coordination interagences, placé sous la présidence des gouvernements et s'ils ont démontré un effort récent d'évaluation de leurs services sanitaires et logistiques destinés au soutien des campagnes de vaccination et de leur suivi. Les pays s'engagent sur des résultats et utilisent les fonds comme ils le veulent. Un financement complémentaire peut leur être versés, la quatrième année, si le nombre d'enfants vaccinés a réellement augmenté.
Présent dès la création de l'Alliance, Jacques-François Martin, aujourd'hui le président de la fondation, croit au caractère pionnier et innovant de ce type de coopération : « Nous avons choisi volontairement d'abandonner un système d'assistance peu compatible avec l'efficacité et la dignité pour développer un véritable partenariat. »
Un indicateur de l'état sanitaire.
Pour lui, qui est issu de l'industrie pharmaceutique, il était inacceptable que des vaccins efficaces existent et qu'il ne soient pas accessibles aux plus démunis. Près de 4 millions d'enfants continuent à mourir de maladies évitables : rougeole, diphtérie, tétanos, fièvre jaune, méningite. « Je suis persuadé que les générations futures nous jugeront avec sévérité. Jamais l'écart n'a été aussi grand entre le potentiel de notre société mondiale et les disparités qu'elle tolère encore trop souvent », poursuit-il.
En outre, la vaccination est un bon indicateur de l'état sanitaire d'un pays. « Cette activité n'est pas uniquement de la responsabilité des personnels de soins et des spécialistes. Elle demande, de façon probablement unique, l'engagement de l'ensemble de la communauté », explique-t-il. « Pour être bien vacciné, un enfant doit être vu au moins à cinq reprises. Ce sont autant d'occasions pour prodiguer d'autres soins, lancer d'autres programmes de prévention et d'information. »
Quelques chiffres
- 10 millions d'habitants dont 44 % ont moins de 14 ans et 3 % seulement plus de 65 ans.
- Espérance de vie à la naissance : 55 ans chez l'homme et de 58 ans chez la femme.
- Taux de mortalité : 10,88 pour 1000.
- Taux de prévalence de l'infection à VIH : 0,5 %.
La vaccination, un acte d'amour
Le Fonds mondial, dont le siège est à Lyon (France)*, est l'organe de financement de Gavi. Il a bénéficié d'une aide initiale importante de la fondation Bill & Melinda Gates (750 millions de dollars sur cinq ans). Neuf pays contribuent aujourd'hui à financer les projets approuvés par l'Alliance : Canada, Danemark, Etats-Unis, France, Irlande, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède.
Lors de sa visite au Sénégal, l'ancien Premier ministre norvégien, Jens Stoltenberg, aujourd'hui président du groupe travailliste au Parlement norvégien et membre du conseil d'administration du fonds, a tenu, avec enthousiasme, à rencontrer tous ceux qui, sur le terrain, participent à l'efficacité du PEV. « La vaccination des enfants n'est pas seulement un impératif et un devoir moral, a-t-il rappelé, c'est un acte d'amour. » Son pays est le deuxième donateur du Fonds après les Etats-Unis (159 millions sur trois ans). Alors qu'il ne compte que 5 millions d'habitants, il s'est engagé à verser 107 millions de dollars sur cinq ans. La contribution de la France est de 18 millions de dollars.
Depuis la création du fonds en 2000, 900 millions de dollars ont déjà été engagés pour financer les programmes de 64 pays. Environ 300 000 vies pourront ainsi être sauvées. Mais le fonds doit chaque année réunir 400 millions de dollars pour tenir ses engagements de financement.
* 41, quai Fulchiron, 69005 Lyon, France. Tél. 04.72.56.45.00.
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