TRES LARGEMENT dominées par l'hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) et le cancer prostatique, les pathologies prostatiques sont en constante augmentation du fait du vieillissement de la population. De 60 000 à 70 000 patients sont opérés chaque année pour une HBP en France, neuf fois sur dix par résection endoscopique. « Quant au cancer, il y a 40 000 nouveaux cas par an en France et, sur cette même période de temps, 10 000 décès lui sont dus », a déclaré le Pr Yves Lanson, du CHU de Tours. Son dépistage et sa prévention sont de réelles préoccupations car sa symptomatologie, très tardive, s'exprime quand il est déjà très évolué.
Toucher rectal et dosage du PSA.
Pour dépister le cancer de la prostate, le médecin généraliste (MG) possède deux armes - le toucher rectal et le dosage du PSA (antigène prostatique spécifique). L'Association française d'urologie recommande de réaliser l'un et l'autre tous les ans chez tous les hommes entre 50 et 75 ans. Le premier de ces examens permet d'appréhender le volume et la consistance de la prostate, tandis que le second évalue la probabilité d'un cancer prostatique, selon une grille de lecture que le médecin généraliste doit connaître :
- < 2,5 ng/ml : le cancer est très peu probable ;
- entre 2,5 et 4 ng/ml : le cancer est peu probable ;
- entre 4 et 10 ng/ml : le cancer est possible ;
- > 10 ng/ml : le cancer est d'autant plus probable que le chiffre de PSA est élevé.
Le Pr Mangin (président de l'AFU, Nancy) rappelle : « L'interprétation - plus délicate - de la fourchette 4-10 ng/ml est plutôt le fait de l'urologue qui utilise d'autre examens pour affiner le diagnostic : ratio PSA libre/PSA total, densité et cinétique du PSA, échographie prostatique endorectale et biopsies prostatiques, ces dernières apportant le diagnostic de certitude. »
Cancer prostatique et finastéride.
A côté de ce dépistage systématique émerge peu à peu le concept de chimioprévention du cancer de la prostate, précise le Pr M. Soulié (Toulouse) et l'un des travaux les plus marquants est aujourd'hui l'étude Pcpt ou Prostate Cancer Prevention Trial (1), essai randomisé, en double aveugle, portant sur plus de 18 000 volontaires sains dont la prostate était normale au toucher rectal et chez lesquels le PSA était < 3 ng/ml. Réalisée par l'Institut américain de la santé (NIH) et prévue sur sept ans, cette étude a mis en évidence que l'administration quotidienne de 5 mg de finastéride réduit de 25 % l'incidence du cancer de la prostate, sans modifier la mortalité. La significativité des résultats était telle que l'étude a été stoppée quinze mois avant la date prévue initialement.
Les auteurs ont cependant noté que le nombre de cancers ayant un score de Gleason de haut grade est significativement plus élevé dans le groupe sous finastéride que dans le groupe témoin (6,4 % versus 5,1 %). Mais, en fait, cette différence entre les deux groupes est mise en évidence dès la première année et elle reste linéaire tout au long de l'étude, ce qui exclut que le finastéride provoque ces cancers de haut grade.
La relecture de toutes les biopsies et l'analyse par sous-stratification des groupes devraient permettre d'interpréter ces résultats.
HBP et bithérapie.
Réalisée de la même manière par le NIH, une autre étude américaine concerne la prise en charge thérapeutique de l'HBP, qu' « elle révolutionne d'une certaine manière en rendant caduque la RMO de 1998 qui recommandait de ne pas utiliser d'association médicamenteuse pour traiter les troubles mictionnels de ce que l'on appelait autrefois l'adénome prostatique », précise le Pr François Richard, Paris.
Il s'agit de l'étude Mtops (2), qui portait, pour une durée de quatre ans et demi, sur plus de 3 000 patients ayant une HBP symptomatique non traitée ou traitée en monothérapie et dont le volume prostatique moyen était de 31 cc et le taux moyen de PSA de 1,6 ng/ml. Ces patients étaient randomisés en trois groupes, l'un recevait au long cours 5 mg quotidiens de finastéride, le second 8 mg quotidiens de doxazosine et le troisième l'association des deux médicaments. Les patients qui ne toléraient pas bien la doxazosine à 8 mg passaient à 4 mg, voire sortaient de l'étude.
En fin d'étude, les auteurs constatent que l'association finastéride-alphabloquant diminue de deux tiers le risque de progression clinique de l'HBP par rapport au placebo, tandis qu'une monothérapie ne réduit ce risque que d'un tiers environ. Sur le plan de la symptomatologie, le risque de rétention aiguë d'urines est également diminué (- 81 %) dans le groupe de patients sous association, ainsi que le recours à un traitement invasif (- 67 %).
Qui pourrait bénéficier de cette association ? En tout premier lieu, les patients déjà traités par alphabloquant chez lesquels les symptômes réapparaissent, mais aussi les patients à risque de progression de leur HBP, c'est-à-dire ceux dont le volume prostatique est compris entre 30 et 40 cc et/ou dont le PSA est > 2 ng/ml.
* Journée d'Amphi Medec « La prostate aujourd'hui : nouvelles perspectives » parrainée par les Laboratoires MSD-Chibret
(1) « N Engl J Med » 2003 ; 349 : 213-22.
(2) « N Engl J Med » 2003 ; 349 (25) : 2387-98.
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