A L'ISSUE d'une collaboration entre le groupe de Spyros Artanavanis-Tsakona à Boston et l'équipe du Cnrs du Pr Daniel Louvard à l'institut Curie, les mécanismes d'action du gène Notch sur les cellules souches et les cellules différenciées des villosités intestinales sont mieux compris. Cette étude (1) apporte un nouvel éclairage sur le fonctionnement peu connu des villosités intestinales.
Dans les villosités intestinales, le gène Notch permet de maintenir un équilibre entre les cellules souches et les cellules différenciées, un équilibre essentiel au renouvellement très rapide de ce tissu (de quatre à six jours tout au long de la vie) du tissu.
Au fond des villosités intestinales se trouvent des cellules souches donnant naissance aux cellules progénitrices, relativement indifférenciées.
En remontant le long des villosités, elles acquièrent progressivement leur fonction de digestion (cellule en gobelet pour la production de mucus et la protection de la muqueuse, cellule de Panet à fonction bactéricide, cellule entéro-endocrine, entérocyte).
Un interrupteur, tantôt allumé, tantôt éteint.
Actuellement, il semble que le processus tumoral au niveau intestinal ne consiste pas en des anomalies génétiques au niveau de cellules différenciées, car leur renouvellement est trop rapide. En revanche, comme le souligne le Pr Louvard, « il est hautement probable que ce sont les mutations des cellules souches ou filles qui sont à l'origine des premiers foyers tumoraux, bien que cela n'ait pas formellement été démontré ».
La publication de l'équipe du Pr Louvard sur le rôle du gène Notch, sur des modèles souris, conforte cette théorie. Notch, qui signifie en français encoche, fonctionne comme un « interrupteur », qui passe d'un état à un autre, tantôt allumé, tantôt éteint. Allumée, la protéine Notch déclenche une cascade de réactions à l'intérieur des cellules souches ou progénitrices. En allumant de façon permanente le gène Notch, les cellules souches et les cellules progénitrices ne se spécialisent plus, elles prolifèrent. De là, il résulte une amplification du compartiment indifférencié à la base des villosités intestinales. Ce résultat autoriserait l'isolement et l'identification de ces rares cellules souches, responsables du renouvellement intestinal, à l'origine du processus tumoral. Notons que, dès 1991, le gène Notch avait été identifié comme un oncogène dans des leucémies, les lymphomes et de nombreuses tumeurs d'origine épithéliale, en inhibant ou en stimulant la différenciation, la prolifération et la survie cellulaire.
Une autre étude (2) néerlandaise (équipe du Pr Hans Clever) à laquelle a participé Sylvie Robine (directeur de recherche Inserm de l'équipe du Pr Louvard) et publiée le même jour dans « Nature » a montré que, en « éteignant » le gène Notch, les cellules progénitrices se spécialisent.
La piste des inhibiteurs de la gamma-sécrétase.
Ces deux études majeures ouvrent des perspectives thérapeutiques prometteuses, notamment pour le cancer colo-rectal, un des plus meurtriers dans les pays industrialisés. Déjà, expérimentalement, une famille de molécules, les inhibiteurs de gamma-sécrétase, développées pour le traitement de maladie d'Alzheimer, connues pour bloquer l'activation de Notch et administrées chez des souris porteuses d'adénome colique, a montré une régression des adénomes.
Conférence de presse de l'institut Curie.
(1) Sylvia Fre et coll. , « Nature » du 16 juin 2005, vol. 436.
(2) Johan H. van Es et coll. « Nature » du 16 juin 2005, vol. 436.
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