Sessions scientifiques de l'American Heart Association 9-12 novembre 2003 - Orlando

Un nouveau regard sur les essais cliniques dans l'HTA

Publié le 04/12/2003
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C'est avec l'étude LIFE (Losartan Intervention For Endpoint reduction in hypertension study que J. Reid (Glasgow, Royaume-Uni) a ouvert la session plénière concernant les controverses sur les essais cliniques dans l'HTA. Cette étude a comparé le losartan, un antagoniste du récepteur de l'angiotensine II (ARA II) à l'aténolol, un bêtabloquant, chez des patients hypertendus ayant une hypertrophie ventriculaire gauche. Chez 90 % des patients, ce premier traitement était associé à un diurétique thiazidique. Cet essai est le premier à démontrer que la stratégie thérapeutique employée est importante pour permettre de diminuer la fréquence des accidents vasculaires cérébraux. La réduction relative de cette complication a en effet été plus importante chez les patients sous ARA II. Fait essentiel, l'abaissement des chiffres tensionnels a été comparable dans les deux groupes thérapeutiques. Cela permet de penser que le bénéfice de l'ARA II sur la réduction relative du risque d'AVC n'est pas seulement dépendant de la baisse tensionnelle qu'il provoque.

Pression artérielle : vers une absence de valeur seuil ?

Ces résultats ont conduit J. Reid à discuter le mécanisme d'action sous-tendant le résultat de l'étude LIFE. En effet, il peut s'expliquer, soit par une meilleure efficacité du traitement par ARA II, soit par un effet défavorable du bêtabloquant. Une métaanalyse, non publiée à ce jour, a été réalisée dans le cadre du programme NICE (National Institute for Clinical Excellence) du service national de santé du Royaume-Uni, afin de tenter de répondre à cette question. Cette métaanalyse a montré que le traitement par bêtabloquant induit une réduction du risque d'AVC par rapport au placebo, avec un odds ratio de 0,72. Elle montre également que le traitement par bêtabloquant est équivalent au traitement par diurétique. Ainsi, avec ces données, J. Reid penche en faveur de l'hypothèse selon laquelle, dans l'étude LIFE, le bénéfice observé avec le losartan sur la prévention des AVC est bien attribuable à un effet bénéfique du sartan et n'est pas secondaire à l'absence d'effet du bêtabloquant.
Les résultats de l'étude HOPE (Heart Outcomes Prevention Evaluation) ont été discutés par B. Williams (Leicester, Royaume-Uni). Cette étude a évalué les effets de l'adjonction au traitement habituel, d'un IEC à fortes doses, 10 mg de ramipril, ou d'un placebo chez des patients ayant un risque cardio-vasculaire élevé. Selon les auteurs de l'étude, le bénéfice de l'IEC serait indépendant de son effet tensionnel ou, plus précisément, dépasserait cet effet. Selon B. Williams, le bénéfice observé sous IEC s'explique pour l'essentiel par la baisse tensionnelle. Ainsi, l'étude confirme bien l'intérêt de l'adjonction d'un IEC chez les hypertendus à haut risque ; elle suggère également qu'il n'existerait pas de valeur seuil en dessous de laquelle l'abaissement tensionnel n'induit plus de bénéfice clinique. Ces résultats concordent, selon B. Williams, avec ceux des études CAPPP (CAptopril Prevention Project) et ALLHAT (Antihypertensive and Lipid-Lowering Treatment to Prevent Heart Attack Trial). Cet intervenant a également souligné un autre aspect de la métaanalyse du NICE. En effet, le risque d'apparition d'un diabète serait moindre sous IEC ou sous antagoniste calcique que sous bêtabloquant ou diurétique, le risque relatif étant de 0,84.
E. Schiffrin (Montréal, Canada) a discuté les résultats de l'étude ALLHAT (Antihypertensive and Lipid Lowering Treatment to Prevent Heart Attack Trial). Ce vaste essai de morbi-mortalité portait en effet sur une population de plus de 40 000 patients âgé de 67 ans en moyenne. L'objectif principal de l'étude était d'évaluer le niveau de protection cardio-vasculaire, notamment coronaire, d'un antagoniste calcique, l'amlodipine, d'un inhibiteur de l'enzyme de conversion, le lisinopril, et d'un alphabloquant, la doxazosine, par rapport au traitement de référence représenté, dans ce travail, par un diurétique thiazidique, la chlortalidone. E. Schiffrin a souligné qu'aucune différence entre les traitements n'a été observé sur la prévention de la maladie coronaire, qui constituait le critère principal de l'étude. En revanche, des différences entre les traitements ont été observées en faveur des diurétiques pour la prévention de l'insuffisance cardiaque par et en défaveur des IEC pour la prévention des AVC. E. Schiffrin a admis que l'absence d'équivalence sur l'abaissement tensionnel noté entre les différents groupes, rendait délicate l'interprétation de ces résultats, en particulier vis-à-vis de la différence concernant la prévention des AVC. Concernant l'insuffisance cardiaque, qui est plus fréquemment observée en cas de traitement par antagoniste calcique, E. Schiffrin a rappelé la difficulté diagnostique habituelle de cette entité au cours d'un essai clinique de grande envergure. Au terme de cette présentation E. Schiffrin a rappelé que la recommandation du service de santé des Etats-Unis, les National Institutes of Health, selon laquelle la prescription d'un diurétique thiazidique est souhaitable chez l'hypertendu en première intention, était fondée sur une interprétation économique des résultats de l'étude ALLHAT.
L'étude AASK (African-American Study of Kidney Disease and Hypertension) a été discutée par Robert Toto (Dallas, Texas). Elle a porté sur des sujets américains noirs ayant une hypertension artérielle et une atteinte rénale non diabétique. Ce travail a souligné l'intérêt des IEC pour ralentir la progression de la maladie rénale dans cette population.
Richard Peto (Oxford, Royaume-Uni) a enfin décrit le « traitement miracle » (magic pill) de la prévention cardio-vasculaire : pour diminuer de 2 % par an le risque de complication cardio-vasculaire grave chez les sujets en prévention secondaire, il faudrait associer de l'aspirine, une statine, un IEC et un diurétique. R. Peto a plaidé pour l'intérêt de ce traitement de prévention quels que soient le niveau tensionnel et le bilan lipidique du sujet, en particulier lorsque les patients ont déjà fait une complication cardio-vasculaire. Il a insisté sur l'importance majeure de l'arrêt du tabac chez tous les patients en prévention primaire et secondaire.

D'après un entretien avec le Pr Xavier GIRERD, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.

Dr. Gérard BOZET

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7440