Le retour d'expérience est un grand moyen de progrès. Malheureusement il est peu utilisé en médecine, notamment en médecine générale. Pourquoi ? Parce que toute erreur médicale ou échec médical déclenchent (ou risquent de déclencher) une procédure dans laquelle le patient et le médecin s'affrontent. Le combat douloureux pour attaquer ou se défendre tue dans l'œuf le dialogue et empêche ainsi la recherche sereine, assidue et imaginative d'améliorations à partir de l'expérience.
Seul un changement de mentalité et de loi permettrait de supprimer cet obstacle au progrès : il faudrait que le médecin ne soit plus présumé innocent devant la justice (et l'opinion), mais présumé victime, au même titre que le patient. L'argumentation est simple : se situer plus près de la réalité. Dans l'immense majorité des cas, en effet, où un patient est victime d'un médecin, a priori le médecin n'a jamais voulu faire un tort quelconque au patient. Et, certes différemment, le médecin est touché aussi par l'événement indésirable.
Cela dit, oui, si un événement indésirable est survenu, il s'est passé quelque chose de grave (tous les degrés de gravité) et de regrettable. D'où l'importance des questions suivantes : comment ? pourquoi ? Et puis aussi : comment faire collectivement mieux à l'avenir ? Mais pour travailler au retour d'expérience, il n'existe ni lieu, ni expert, notamment généraliste. Il me semble donc que, pour mettre en route un grand moyen de progrès médical, outre que le médecin est désormais présumé victime devant la justice (qui aurait toujours à faire complètement son travail), il faudrait créer des instances d'expertise (en quelque sorte des commissions d'enquête, peut-être au sein des sociétés savantes), et, bien sûr, codifier les relations entre la justice et ces instances d'expertise.
J'ajoute pour terminer qu'en plus d'une mission de recherche à partir des événements indésirables, les instances d'expertise auraient aussi à suivre les changements proposés et, heureusement, à étudier les succès. Bref, « nous avons tellement de choses à nous dire ! », pourraient... se dire les patients et les médecins. Mais pour se parler, se découvrir, chercher ensemble des solutions, il faut un lieu et un moment, et il faut une aide. Et puis il faut que ce soit utile à d'autres.
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