LA SOUCHE a été mise en évidence dans le cerveau de deux vaches italiennes dont la maladie s'est déclarée tardivement. Lors de l'analyse post mortem du cerveau de ces animaux, les chercheurs ont été intrigués par la présence de plaques amyloïdes et la distribution atypique des accumulations de prion. Par la suite, des analyses biochimiques ont montré que le prion responsable de la neurodégénérescence de ces deux vaches était différent de celui habituellement associé à l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB).
Plus encore, les chercheurs ont découvert certaines similitudes entre cette souche de prion et une de celle qu'on observe chez les malades humains atteints de la forme sporadique de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (sMCJ) : s'il est encore trop tôt pour affirmer que le prion découvert chez les vaches italiennes est semblable à celui qui est détecté chez une partie des patients atteints de sMCJ, la convergence observée entre les signatures moléculaires des deux prions est troublante.
Les encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) sont caractérisées par l'accumulation cérébrale de la protéine PrPsc, une isoforme insoluble et résistante aux protéases de la protéine prion (PrPc). Il existe différentes formes d'EST, associées à différentes souches de prion PrPsc. Le poids moléculaire des fragments obtenus après un traitement protéolytique de la protéine PrPsc, le degrés de glycosylation de la protéine et le profil de la distribution des dépôts sont trois facteurs qui permettent de distinguer les EST les unes des autres.
De nombreuses études épidémiologiques et moléculaires ont suggéré qu'une seule et unique souche de PrPsc était responsable de la totalité des cas d'EST bovine. En outre, chez l'homme, cette souche de prion est associée au nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (nvMCJ).
Des lésions cérébrales différentes.
Cependant, en comparant le cerveau de huit vaches malades, Casalone et coll. ont découvert deux cas d'EST très différents de la norme : le cerveau de ces animaux présentait des plaques amyloïdes immunopositives pour le prion, un type de lésion qui n'est jamais observé dans les cas typiques d'ESB. De plus, les accumulations cérébrales de protéines PrPsc détectées chez ces deux vaches montraient une distribution régionale et topologique atypique. En particulier, aucun dépôt de prion n'a pu être détecté dans le noyau dorsal du nerf vague. Enfin, en comparaison avec l'isoforme typiquement associée à l'ESB, le prion responsable de la pathologie de ces animaux paraît moins glycosylé et les fragments protéiques obtenus après sa protéolyse sont plus petits.
L'ensemble de ces données indique donc que l'EST des deux vaches italiennes est différente de l'ESB.
Un nouveau nom : la BASE.
Casalone et coll. proposent que la pathologie dont souffraient les deux vaches soit nommée BASE pour « Bovine Amyloidotic Spongiform Encephalopathy ». Cette nouvelle EST est visiblement associée à une souche de prion qui était jusqu'ici inconnue. Du moins chez les bovins. En effet, Casalone et coll. n'ont pas pu ignorer les similitudes qui existent entre cette nouvelle souche de prion et le prion de type 2 responsable de la sMCJ : les signatures moléculaires des deux protéines sont presque superposables. Cependant, compte tenu des données actuellement disponibles, les chercheurs ne peuvent en aucun cas affirmer que le prion des vaches italiennes est identique à celui trouvé chez des malades humains.
Des expériences complémentaires nécessitant un passage chez la souris sont indispensables à la caractérisation complète de la nouvelle souche de prion. C'est seulement à l'issue de ces travaux qu'il sera possible d'affirmer ou d'infirmer que le prion découvert par les chercheurs italiens est identique à celui qui est détecté chez certains malades souffrant de sMCJ.
D'ici là, Casalone et coll. recommandent la mise en place d'une surveillance épidémiologique des cas d'EST bovine et de sMCJ humaine fondée sur des critères moléculaires.
C. Casalone et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée, à paraître prochainement sur www.pnas.org.
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