Une étude publiée dans « The Lancet Infectious Diseases » permet de mieux comprendre les mécanismes de résistance aux antipaludiques, une avancée dans la lutte contre le paludisme.
Le traitement des accès palustres à Plasmodium falciparum repose aujourd'hui sur l’utilisation des combinaisons thérapeutiques (ACT) associant un dérivé de l’artémisinine à un partenaire à demi-vie longue (amodiaquine, sulfadoxine-pyriméthamine, méfloquine, luméfantrine ou pipéraquine).
Apparition de souches multirésistances
Or, depuis une dizaine d’années, l’émergence, dans le bassin du Mékong, de parasites résistants aux dérivés de l’artémisinine inquiète. Une des principales craintes est cette résistance se propage en Afrique subsaharienne, continent le plus touché par le paludisme, comme cela fut le cas, avant l'arrivée de l'artémisinine, des traitements à base de chloroquine ou d'antifoliques et d'antifoliniques.
Plus inquiétant encore, l'apparition de souches multirésistances comme au Cambodge où l'on observe déjà une forte proportion d’échecs cliniques (jusqu’à 60 % dans certaines régions) chez les patients traités par la combinaison dihydroartemisinine-pipéraquine.
Les chercheurs de l’Institut Pasteur ont récemment montré que la résistance à l'artémisinine était liée à la présence d’une mutation dans le gène K13 du parasite. Dans l'étude publiée ce vendredi dans « The Lancet Infectious Diseases », les chercheurs ont cette fois identifié un marqueur moléculaire étroitement associé à la résistance à la pipéraquine.
L'étude a été réalisée par les équipes de l'Institut Pasteur, au Cambodge et à Paris, rassemblées au sein de l'unité internationale mixte « Malaria Translational Research », en collaboration avec des chercheurs de l’Institut Cochin, du Laboratoire de mathématiques appliquées (MAP5) de l'Université Paris Descartes, de la Columbia University (New York, Etats-Unis) et du programme de lutte contre le paludisme au Cambodge avec le soutien de l’OMS. Ses résultats devraient permettre de mieux orienter les politiques de santé publique et d'adapter les stratégies de surveillance et de traitements antipaludiques à la situation épidémiologique.
Deux marqueurs génétiques
Les chercheurs ont étudié des milliers de variations de séquences d'ADN de 300 Plasmodium falciparum cambodgiens. « Nous avons mis en évidence 2 marqueurs génétiques associés à la résistance pipéraquine », explique le Dr Roberto Amato l'un des auteurs. Cette signature moléculaire : augmentation du nombre de copies (amplification) de deux gènes, Plasmepsin 2 et 3, codant pour des enzymes participant à la dégradation de l’hémoglobine dans le globule rouge infecté, implique une famille de protéines qui sont des cibles pour d'autres antipaludiques.
Lorsque l'amplification de ces deux gènes est associée à une mutation du gène K13, associée à la résistance aux artémisinines, le risque d’échec au traitement de première intention recommandé au Cambodge (DHA-pipéraquine) est 20 fois supérieur.
Autre découverte intéressante, l’amplification des deux gènes est systématiquement associée à une diminution du nombre de copies d'un autre gène mdr1 (multi drug resistance-1), dont l'amplification est, cette fois, associée à la résistance à la méfloquine. Les auteurs émettent l'hypothèse que « l'apparition de la résistance à la pipéraquine s’accompagne d’un retour d’efficacité de la mefloquine ».
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