DE NOTRE CORRESPONDANTE
ON SAIT que le sexe génétique est déterminé à la fécondation selon le chromosome sexuel (X ou Y) apporté par le spermatozoïde. Le chromosome Y porte le gène SRY (« Sex-determining Region of Y chromosome ») responsable du signal initial de la différenciation des gonades foetales en testicules. En l’absence de SRY et en présence de deux chromosomes X, la gonade se différencie en ovaire. Cette période de différenciation gonadique a lieu chez l’humain entre la 5e et 8e semaine de gestation.
L’établissement du sexe phénotypique s’effectue sous l’action des hormones sécrétées par la gonade différenciée.
Si les testicules ne se développent pas correctement et si les hormones testiculaires n’atteignent pas le niveau seuil, la voie « par défaut » de différenciation vers le phénotype féminin prend place.
Cela explique que l’inversion sexuelle XY (mâle vers femelle, autrement dit des femmes XY) est relativement fréquente chez les humains et génétiquement hétérogène.
A l’opposé, l’inversion sexuelle XX (femelle vers mâle, ou hommes XX) est relativement rare et est en général le résultat de translocations du gène SRY sur le chromosome X ou un autre chromosome. L’inversion sexuelle XX en l’absence du gène SRY est extrêmement rare, et sa base moléculaire restait inconnue.
Hyperkératose palmoplantaire et prédisposition au carcinome spinocellulaire.
Une équipe dirigée par le Dr Giovanna Camerino (université de Pavie, Italie), qui comprend des chercheurs français – Valérie Vidal, Christine Chaboissier et Andreas Schedl de l’U636 Inserm de la faculté des science de Nice – a maintenant identifié une cause génétique.
A l’origine de ce travail, il y a l’observation d’une grande famille italienne consanguine, dans laquelle quatre frères ont un caryotype 46XX (par conséquent, de sexe génétique féminin) et ne portent pas le gène SRY. L’absence du gène SRY suggérait une autre cause d’inversion sexuelle (femelle à mâle) que les chercheurs se sont attachés à découvrir.
Dans cette famille, il existe également une hyperkératose palmo-plantaire (PKK) et une prédisposition à un cancer de la peau (carcinome spinocellulaire, SCC), transmis de manière récessive. Enfin, tous les membres de la famille affectés de PKK sont phénotypiquement mâles (46XY ou 46XX).
L’équipe a donc émis l’hypothèse qu’une mutation homozygote cause à la fois l’hyperkératose palmoplantaire et la prédisposition au carcinome spinocellulaire chez les individus XY et XX et l’inversion sexuelle chez les hommes XX. Dès lors, les chercheurs ont mené une étude de liaison en s’intéressant au trait PKK, afin de découvrir la mutation qui causait également l’inversion sexuelle. Cela leur a permis de trouver une liaison avec une région du chromosome 1 (1p34).
Un autre individu non apparenté.
Ils ont étudié également un autre individu (d’une famille italienne non apparentée), la seule autre personne en dehors de la précédente famille qui est décrite avec le syndrome combinant l’inversion sexuelle XX, l’hyperkératose palmoplantaire et le carcinome spinocellulaire. Cet individu a également été trouvé homozygote pour la région 1q34.
En examinant les gènes de cette région (près de 200), les chercheurs ont découvert une mutation (insertion d’un nucléotide) inactivante dans le gène R-spondine1 (RSPO1) chez les membres affectés de la première famille. La découverte d’une autre mutation (grande délétion homozygote) chez l’individu de la seconde famille a confirmé la responsabilité de ce gène dans le syndrome.
Expression bien plus élevée dans les gonades XX.
Identifiées récemment, les R-spondines représentent une nouvelle famille de facteurs de croissance. On a pensé qu’elles pourraient agir à travers la stabilisation de la bêtacaténine et en synergie avec les protéines Wnt.
Pendant le développement de la souris, l’équipe a constaté, au 12e jour de la vie embryonnaire, une nette augmentation de l’expression du gène Rspo1 dans les gonades XX, avec, au 14e jour, une expression cinq fois plus élevée que dans les gonades XY, à un moment crucial de la détermination du sexe.
D’autres expériences suggèrent que la R-spondine1 est produite et sécrétée par les fibroblastes et régule la prolifération et la différenciation des kératinocytes.
«Cette étude décrit, pour la première fois, un gène, qui, lorsqu’il est muté, cause une inversion complète du sexeXX», concluent les chercheurs.
La présence de testicules fonctionnels chez les hommes XX est confirmée, entre autres, par la masculinisation des organes génitaux internes et externes, mais ces individus sont stériles, comme cela est prévu en présence de deux chromosomes X et en l’absence d’un chromosome Y. Un homme de la famille ayant un caryotype normal 46XY, mais portant la mutation homozygote de RSPO1, a pu engendrer deux enfants. La protéine R-spondine1 normale n’est donc pas requise pour la différenciation et la fonction testiculaires.
En revanche, le gène R-spondine1 est un gène essentiel pour la différenciacion des gonades en ovaires.
Le profil d’activation de l’expression Rspo1 dans les gonades XX est parallèle à l’activation de l’expression de Sox9 médiée par SRY qui prend place dans les gonades XY.
Parma et coll. « Nature Genetics », 15 octobre 2006.
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