«CETTE DÉCOUVERTE est importante car elle ouvre de nouvelles voies pour explorer la cause de cette maladie dévastatrice, ainsi que des cibles potentielles pour le traitement», souligne dans un communiqué le Dr Richard Mayeux de la Columbia University à New York, qui a codirigé cette recherche. «SORL1 représente une nouvelle pièce essentielle du puzzle qu’est la maladie d’Alzheimer. C’est le cinquième gène en cause dans l’Alzheimer, et il existe probablement d’autres variants qui devront être identifiés avant d’avoir une représentation complète.» Le premier gène variant (apoE4) avait été identifié en 1993.
Cette étude, qui a duré cinq ans, est le fruit d’une coopération exemplaire entre les équipes de Richard Mayeux (Columbia University), Peter St. George-Hyslop (université de Toronto, Canada), Lindsay Farrer (université de Boston) et de Steven Younkin (Mayo Clinic, Jacksonville, Floride).
Les quatre gènes variants (codant pour l’APP, la préséniline 1, la préséniline 2, et l’apolipoprotéine E) déjà impliqués dans l’Alzheimer sont tous associés à l’accumulation du peptide amyloïde bêta (Abeta), issu de la dégradation de l’APP (Amyloid Precursor Protein).
Le recyclage de l’APP à partir de la surface cellulaire, par la voie endocytaire, joue un rôle clé dans la production de l’Abeta dans la maladie d’Alzheimer. En effet, l’APP présente à la surface cellulaire est renvoyée au centre de la cellule, où elle peut suivre deux voies : être recyclée vers la surface cellulaire, ou être dégradée en Abeta.
Six mille sujets dans 9 bases de données.
Les chercheurs ont examiné la famille des gènes VPS (Vacuolar Protein Sorting, soit triage des protéines vacuolaires) qui régulent la voie endocytaire. Ils ont testé plusieurs marqueurs SNP dans ces gènes en utilisant six bases de données indépendantes.
Pour la phase de découverte, 352 familles affectées de maladie d’Alzheimer familiale à début tardif ont été étudiées (soit 1 800 individus, dont 50 % affectés) :
– 228 familles dominicaines habitant le nord de Manhattan ; le Dr Mayeux avait observé un risque triplé d’Alzheimer dans la population dominicaine de Manhattan et cette population a vivement coopéré pour former la base de l’étude ;
– et 124 familles d’Europe du Nord étudiées à l’université de Toronto.
Les résultats préliminaires ont ensuite été testés pour confirmation dans une cohorte de réplication contenant :
– 423 participants d’origine européenne d’une étude cas-témoins (série autopsique) ;
– 276 frères et soeurs discordants pour la maladie, d’origine européenne (étude MIRAGE) ;
– 238 frères et soeurs discordants pour la maladie, africain-américains (étude MIRAGE) ;
– et 225 participants israéliens d’origine arabe d’une étude cas-témoins.
En outre, une réplication complètement indépendante a été obtenue dans une grande base de données, composée de trois cohortes d’Américains d’origine européenne qui ont été étudiées séparément et analysées statistiquement à la Mayo Clinic (1 405 cas, 2 124 témoins).
L’étude chez ces 6 000 individus (venant de 9 bases de données) montre que des variants d’un seul gène – SORL1 – sont associés à l’Alzheimer tardif.
Ces variants non encore identifiés résident dans au moins deux régions non codantes du gène SORL1. Il est probable, selon l’équipe, que ces variants surviennent dans des séquences régulatrices, modifiant ainsi l’expression de SORL1 (moment, niveau ou distribution).
La protéine SORL1 dirige la circulation de l’APP vers la voie de recyclage, et lorsque SORL1 est sous-exprimée, l’APP est alors dirigée dans des compartiments produisant l’Abeta.
«Ces données suggèrent que des modifications héritées ou acquises de l’expression ou de la fonction de SORL1 sont impliquées dans le mécanisme de développement de la maladie d’Alzheimer», conclut l’équipe.
L’expression de SORL1 peut également être régulée négativement par d’autres gènes ou des facteurs de l’environnement. La découverte propose une nouvelle cible thérapeutique. C’est un premier pas ; les prochains objectifs sont nombreux :
– confirmer l’association dans d’autres populations ;
– tester davantage de SNP et séquencer complètement le gène SORL1 (très long), afin d’identifier les variants en cause ;
– une fois les variants identifiés, déterminer quelle est leur contribution au risque d’Alzheimer dans la population. On sait que l’ApoE4 explique environ de 20 à 30 % des cas de la maladie d’Alzheimer tardive ; les variants SORL1 pourraient peut-être expliquer entre 10 et 20 % des cas.
Il faudra aussi déterminer la valeur diagnostique ou pronostique de ces variants et rechercher des traitements potentiels (composés régulant l’expression du gène).
Rogaeva et coll. « Nature Genetics », 14 janvier 2007, DOI : 10.1038/ng1943.
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