PAR LES Drs JEAN DONADIEU* ET CAROLINE THOMAS**
L'HYSTIOCYTOSE langherhansienne peut toucher la plupart des organes avec une prédilection pour l'os (80 %), la peau (33 %) et l'hypophyse (25 %). D'autres organes peuvent être concernés, notamment le poumon, le foie, la rate, le système hématopoïétique (15 %), les ganglions (5-10 %), le système nerveux central en dehors de l'hypophyse (2-4 %).
Nombreuses et pour certaines, tels le granulome éosinophile, la maladie de Hand-Schüller-Christian ou la maladie de Letterer-Siwe, décrites depuis longtemps, les manifestations cliniques ont été regroupées sous le terme générique d'histiocytose X, puis d'histiocytose langheransienne.
Si elle peut régresser spontanément, la maladie peut aussi progresser de façon rapide et parfois conduire au décès. Elle induit dans 30 à 40 % des cas des séquelles permanentes, qui peuvent être dramatiques : insuffisance respiratoire chronique, insuffisance hépatocellulaire sur cholangite sclérosante, atteinte neurodégénérative, surdité, atteinte hypophysaire…
Un traitement local, voire une simple surveillance, peut parfois suffire dans les formes localisées, mais les atteintes multiviscérales, fréquentes chez les enfants de moins de 2 ans, ont un pronostic plus réservé et nécessitent l'association de médicaments cytotoxiques.
La précocité du diagnostic est un facteur essentiel au succès du traitement de l'hystiocytose langerhansienne, ce qui repose d'abord sur sa reconnaissance sur le plan clinique.
Les tableaux les plus fréquents.
Les localisations osseuses se traduisent par des douleurs, des tuméfactions et, parfois, des fractures pathologiques. Ces signes doivent conduire à pratiquer des radiographies. L'image typique est la lacune à l'emporte-pièce, mais il existe de très nombreux aspects moins évocateurs. Les os du crâne sont les plus fréquemment concernés.
La lésion cutanée élémentaire est papulo-squameuse, prédominant sur le cuir chevelu, le tronc et les plis, mais de très nombreux autres aspects peuvent exister, évoquant d'autres pathologies cutanées du nourrisson, comme l'eczéma ou la dermite séborrhéique (les classiques croûtes de lait). C'est la persistance ou l'extension des lésions qui doivent conduire à pratiquer une biopsie permettant le diagnostic.
L'atteinte de l'hypophyse se manifeste principalement par un diabète insipide, qui peut être inaugural, mais il peut également exister des atteintes antéhypophysaires avec un déficit en hormone de croissance.
La localisation pulmonaire peut se traduire par une toux ou une dyspnée, parfois par un pneumothorax.
Les atteintes hépato-spléniques et hématologiques sont en général associées, au sein de tableaux très bruyants et très sévères.
Pour chacune de ces atteintes, de très nombreux diagnostics différentiels peuvent être évoqués. Seule l'histologie permet d'apporter la preuve de la maladie.
Le bilan d'extension.
Il doit comporter systématiquement un examen clinique soigneux avec un examen ORL et stomatologique, un bilan biologique minimal (NFS, plaquettes, bilan hépatique, bilan inflammatoire) et un bilan radiologique avec étude de squelette complet, radio de thorax et échographie abdominale. La scintigraphie osseuse apporte des informations sur l'extension de la maladie ; celles-ci ne sont pas décisionnelles, mais cet examen reste recommandé dans le bilan initial. Les places de l'IRM corps entier et de la scintigraphie FDG (Pet-scan) ne sont pas validées dans cette indication, mais font l'objet de travaux de recherche.
En fonction des localisations initiales, d'autres examens doivent être réalisés : scanner thoracique et épreuves fonctionnelles respiratoires s'il existe un doute concernant l'atteinte pulmonaire ; IRM cérébrale en cas d'atteinte hypophysaire qui explorera non seulement l'axe hypothalamo-hypophysaire, mais aussi les méninges et l'encéphale ; TDM en présence de signes ORL ; échographie abdominale en cas de suspicion d'atteinte hépatique…
Compte tenu de la rareté de la maladie, la conservation de prélèvements congelés doit être systématique afin de permettre des études ultérieures.
L'objectif du bilan d'extension de la maladie est de poser une indication thérapeutique et de départager trois options : l'instauration d'une chimiothérapie par voie générale ; la mise en route d'un traitement local, soit orthopédique (corset, voire plâtre ou geste chirurgical sur la lésion), soit cutané (topiques) et la simple surveillance.
Les traitements locaux.
Le traitement local des lésions osseuses fait appel au curetage, éventuellement à des injections intratumorales de stéroïdes et, bien sûr, à des mesures d'immobilisation des lésions adaptées au site anatomique (corset ou plâtre…). La radiothérapie, largement utilisée dans les années 1960-1970, n'a plus sa place, car, dans la très grande majorité des cas, il existe des alternatives n'exposant pas à un risque de cancer secondaire, avéré pour cette méthode de traitement.
Les atteintes cutanées peuvent faire l'objet d'un traitement local par chlorhydrate de chlorméthine (Caryolysine ou Mustargen), en application à la demande. Ce traitement est indiqué surtout si les signes cutanés sont importants et gênants sur le plan fonctionnel (prurit, risque de surinfection, etc.).
La chimiothérapie.
De très nombreuses molécules se sont révélées efficaces dans les histiocytoses. On pourrait dire que la plupart des médicaments cytostatiques le sont, ainsi que de très nombreux immunosuppresseurs ou immunomodulateurs. Il importe dès lors de sélectionner l'association ayant le meilleur profil de sécurité, en particulier à long terme, et d'efficacité.
Les médicaments les plus anciens répondant à ces exigences sont peu nombreux. En font partie : les corticoïdes, la vinblastine et la mercaptopurine (Purinéthol). La vinblastine, un poison du fuseau développé à la fin des années 1950, reste le médicament de référence malgré le peu de connaissance disponibles pour les bases moléculaires de son efficacité. Cependant, le profil de sécurité chez l'enfant est excellent ; son inconvénient principal est sa toxicité veineuse.
Récemment, la cladribine ou 2-chloro-déoxyadénosine (Leustatine et Litak), indiquée dans le traitement de la leucémie à tricholeucocytes, s'est révélée efficace, seule ou en association avec la cytarabine.
Des séquelles qui peuvent être graves.
La fréquence de survenue de séquelles varie, selon les séries, de 30 à 50 % et leur prévention constitue un enjeu majeur dans la prise en charge de cette maladie.
Dans les formes multiviscérales, les séquelles endocriniennes (diabète insipide) sont majoritaires, mais souvent déjà présentes au moment du diagnostic.
Les autres séquelles sont plus rares : retard de croissance ; déficit en hormone de croissance ; hypoacousie ; ataxie cérébelleuse ou séquelles psychomotrices dans les localisations neurologiques ; fibrose pulmonaire.
Particulièrement graves sont les séquelles hépatiques avec l'apparition d'une cholangite sclérosante. Elle apparaît le plus souvent dans les deux ans qui suivent le diagnostic et évolue ensuite pour son propre compte vers la cirrhose biliaire secondaire, même si la maladie histiocytaire n'est plus évolutive.
* Service d'hémato-oncologie pédiatrique, hôpital Trousseau, Paris.
** Service d'oncologie pédiatrique, hôpital mère-enfant, CHU de Nantes.
Organisation des soins
La présentation multisystémique de la maladie explique que le grand nombre de praticiens prenant en charge ces patients, balayant la plupart des surspécialités de la pédiatrie, à l'exception peut-être de la cardiologie et de la néphrologie ! Se pose alors la question de la coordination des soins chez ces patients, et, en pratique, du fait de la place clé des traitements cytostatiques, les hémato-oncologues se trouvent le plus souvent sollicités. Cependant, même dans cette spécialité, l'histiocytose reste une pathologie à part. Les concepts de rémission complète et de rechute ne sont pas tout à fait applicables à cette maladie et l'importance des séquelles, en particulier de l'endocrinopathie, situe aussi cette maladie à la marge de la pratique hématologique ou oncologique.
Depuis plus de dix ans, un groupe de travail multidisciplinaire spécifique, le groupe d'étude des histiocytoses (www.histiocytose.org), concentre ses efforts sur la coordination et donne du sens à la labellisation, en juillet 2006, d'un centre de référence, coordonné par le Pr Abdelatif Tazi (hôpital Saint-Louis, Paris). Il a pour objectif de mieux organiser la filière de soins, de l'enfant à l'adulte et vise non pas à faire suivre les patients de façon centralisée, mais à coordonner les efforts en matière de recherche, de connaissance épidémiologique et de soins, en s'appuyant sur des réseaux existants, tels, par exemple, la Société française des cancers de l'enfant ou la Société française de pédiatrie. À l'échelle européenne, le centre de référence français coordonne le projet Euro Histio Net.
La place des associations
Comme dans de très nombreuses pathologies rares, la visibilité sociale de la maladie a été changée par le rôle actif des associations de patients ou de parents de patients. L'Association Histiocytose France (AHF) est une association de malades et de familles dont les objectifs sont d'offrir un soutien moral aux personnes atteintes et à leur entourage, développer les échanges et l'information sur la maladie, assurer un lien avec la recherche et établir des contacts avec les autres associations européennes et internationales. Cette association appartient à l'Alliance Maladies Rares. Elle peut être contactée par l'intermédiaire du site www.histiocytose.org.
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