En attribuant le prix Nobel de la Paix à une inconnue, le jury d'Oslo ne risquait pas de se tromper.
Il est vrai qu'il ne risquait pas de se tromper non plus s'il l'avait décerné au pape dont personne ne peut nier sa contribution à la paix. Mais Jean-Paul II a déjà sa place dans l'histoire et le prix n'aurait pas augmenté sa gloire.
Sans doute échaudé par quelques erreurs passées, comme Henry Kissinger ou Yasser Arafat, dont il est désormais prouvé qu'ils faisaient la guerre en même temps que la paix, le jury semble ne vouloir jouer qu'à coup sûr. Et si, à la place du pape, Vaclav Havel apparaissait comme un excellent candidat, les jurés ont peut-être pensé qu'il n'est pas bon de récompenser une action politique susceptible d'être entachée par des faits ultérieurs ou des révélations sur le comportement réel du lauréat.
Personne, du moins dans le public français, n'avait entendu parler de Shirin Ebadi. En même temps qu'elle était consacrée par le Nobel de la paix, son action militante en faveur de la réforme en Iran et son combat contre le régime patriarcal sont apparus comme extrêmement courageux et tout à fait dignes de la consécration internationale la plus élevée. Le jury d'Oslo aime bien envoyer des messages politiques et il ne s'en est pas privé cette fois-ci non plus : il a fait ce qui était en son pouvoir pour embarrasser le régime obscurantiste des ayatollahs.
Mme Ebadi a été la première femme juge d'Iran et a dû quitter ses fonctions lors de l'arrivée au pouvoir de Khomeiny. Le travail de féministe et de réformatrice qu'elle a accompli depuis lors a accompagné cette sorte de révolution inachevée qui permet aux réformateurs iraniens de survivre pendant que les imams continuent à détenir le pouvoir.
Cette dialectique entre le régime et l'opposition souligne la vitalité d'un peuple dont on s'aperçoit chaque jour un peu plus qu'il est lucide, intelligent et propose des créations culturelles saluées avec respect en Occident. La bataille, parfois feutrée, parfois violente, entre les ayatollahs et une jeunesse survoltée se poursuit. Une révolution semble improbable mais des changements de plus en plus profonds seront inévitables.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature