C'est dans une rue peu passante de Nemours (13 000 habitants), dans un quartier calme, que le Dr Patrice Baud, marié et père de famille, a été tué par un homme, le 13 mai à 23 h 35. Le Dr Albanel de la Sablière, médecin de famille, qui a « l'estomac noué » depuis qu'il a appris le drame, n'en connaît pas les circonstances. Le SRPJ de Versailles est chargé de l'enquête. Le généraliste nemourien se souvient, en revanche, d'un « confrère très compétent », avec qui il travaillait « de temps à autre ». « C'est lui qui avait mis sur pied, avec succès, l'unité contre la douleur à l'hôpital de Nemours » (Seine-et-Marne), dit-il au « Quotidien ».
Un précédent dans la même ville de Nemours
L'agresseur, muni d'un fusil, a tiré à deux reprises, avant de s'enfuir. Le Dr Patrice Baud, transporté dans le coma au centre hospitalier de la ville, y décédera « une heure et demie plus tard », précise le Dr André Deseur, président du conseil départemental de l'Ordre. « Apparemment, compte tenu des ébauches d'éléments recueillies, l'assassin est un homme essentiellement mécontent de soins liés à une pathologie douloureuse que lui ont prodigués successivement plusieurs médecins, dont le Dr Baud. » Il pourrait, en outre, être insatisfait d'un dossier administratif ayant trait à ce même traitement.
Quoi qu'il en soit, le patient, « de nature violente, souligne le responsable ordinal, attendait le neurologue au pied de son immeuble », où il avait un bureau situé juste au-dessus d'un cabinet de radiologie. Ce soir-là, « après sa consultation privée - il exerce également à l'hôpital -, il travaillait avec un confrère hospitalier du réseau antidouleur ». « Ce qui s'est produit n'a rien à voir avec l'insécurité, pas plus qu'avec la vie privée de la victime, qui était transparente et simple. Il en va ainsi des risques du métier », affirme-t-il. Et d'ajouter : « Le tueur, âgé d'une cinquantaine d'années, en voulait d'une manière explicite et personnelle au médecin, jugeant son traitement insuffisamment efficace. »
Il y a une quinzaine de jours, toujours à Nemours, un autre praticien a été molesté dans son cabinet, où le mobilier a été saccagé, par un homme, là encore, se plaignant d'une douleur non soulagée, « une algie vasculaire de la face ». La victime n'a pas souhaité porter plainte « par peur de représailles ». Mais, le Dr André Deseur, qui s'interroge sur la similitude des motifs des deux agressions à deux semaines d'intervalle, a communiqué des éléments d'information à la police.
En Seine-et-Marne, relève, en outre, le président de l'Ordre, « un nombre non négligeable de confrères sont séquestrés et passés à tabac pour une carte bancaire, tandis que d'autres se font voler leur sacoche ou leur voiture ». C'est le cas notamment à Melun-Sénart et à Montereau, où des médecins s'abstiennent de faire des visites dans certains quartiers. « Là, il s'agit, évidemment, de bandes de loubards qui font régner l'insécurité. » Pour y faire face, le ministère de l'Intérieur va diffuser, d'ici à la fin du mois, des dépliants auprès des praticiens comportant des conseils de prudence, comme il l'a fait, récemment, en Seine-Saint-Denis, dans le Val-de-Marne et dans les Hauts-de-Seine.
Au cours des deux dernières décennies, 45 médecins ont été tués, dont 13 femmes, en dix ans. Le Conseil national de l'Ordre, qui a créé un observatoire de l'insécurité, a mis au point une fiche de déclaration d'agression que les praticiens peuvent télécharger sur son site Internet : www.conseil-national.medecin.fr .
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