LE PREMIER PROFIL psychologique détaillé d'un leader politique est celui d'Adolf Hitler. C'est par lui que commence « Ces fous qui nous gouvernent », la très scientifique et néanmoins amusante analyse de Pascal de Sutter, qui dit avoir posé «sur le comportement de l'Homo politicus le regard de l'entomologiste» et prend la précaution de préciser qu'il n'a aucune implication personnelle dans la vie politique, notamment française.
Le cas Hitler permet d'introduire le sujet, traité avec moult exemples d'hier et d'aujourd'hui. Toute la panoplie psychiatrique y passe : la mégalomanie, la paranoïa, «un grand classique de la maladie politique», les risques de dépression, les dangers du stress, la schizophrénie, liée à la solitude du pouvoir, la tentation de l'addiction... Le pouvoir rend-il fou ? Pour l'auteur, «la folie, chez un homme politique, c'est un peu comme la tuberculose pour les mineurs du siècle de Zola, une maladie professionnelle, un risque difficilement évitable». Et il ne cache pas son admiration pour ces hommes et ces femmes qui font preuve de «résistance hors du commun» et qui sont, «à leur manière, des héros antiques».
Des traits psychopathiques.
Faut-il être un peu fou pour accéder au pouvoir ? Pascal de Sutter est allé aux Etats-Unis demander à de célèbres profileurs, psychiatres, psychologues (dont Jerrold Post et Antonio Damasio), s'il fallait avoir «des traits de personnalité psychopathique pour atteindre le sommet du pouvoir». Aucun, rapporte-t-il, n'a jugé la question impertinente et aucun n'a répondu par la négative. L'homme politique, dit De Sutter, en évoquant Mitterrand et Chirac, «doit immanquablement être capable de tuer politiquement ses amis et ses ennemis. Il n'est pas obligé d'aimer cela. Ce qui le distingue du psychopathe». Il doit aussi savoir mentir et cela n'en fait pas pour autant un mythomane.
Alors, les dirigeants des grands pays démocratiques sont-ils effectivement fous ? L'hypothèse de l'auteur est que ce sont des résilients, dont les capacités d'adaptation hors du commun viennent précisément de «leur grain de folie», «qui leur permet de rebondir, de ne pas se remettre en question, d'attribuer la responsabilité d'un échec ou d'une erreur aux autres». Le narcissisme, la mégalomanie, une tendance paranoïde sont dans leur cas des «mécanismes de défense» qui les préservent d'une dépression grave ou d'un burn-out total. Tandis que «la dimension psychopathique de leur personnalité (l'agressivité, l'absence d'empathie) leur permet d'agresser, d'éliminer, en un mot d'agir et non de subir passivement». L'action étant «le garant d'une stabilité mentale». Enfin, grâce à leur tendance schizoïde, ils sont capables de détachement et de se réfugier dans leur jardin secret ( «la seconde vie de Mitterrand, la part d'ombre de Chirac»).
Des intrépides.
S'inspirant notamment de la méthode d'Aubrey Immelman, qui permet d'établir des profils psychologiques sans rencontrer les sujets, Pascal de Sutter n'hésite pas, dans la deuxième partie de son livre, à se pencher, après Bush et Clinton, sur les cas Sarkozy et Royal. Non sans avoir lu et décortiqué interviews, biographies, revues de presse, ainsi qu'interrogé l'entourage par questionnaire validé scientifiquement. Avec ses étudiants et d'autres chercheurs, il a appliqué au candidat UMP l'index de Millon. Résultat : un profil ambitieux-dominant avec une personnalité inventive mais aussi narcissique compensatoire (cela semble du jargon mais cela correspond à des catégories psychologiques bien définies). Un profil, affiné par la méthode CIA et la méthode non verbale, dans lequel on trouve aussi l'intrépidité et l'hyperactivité.
Avec les mêmes techniques, Ségolène Royal apparaît méticuleuse-ambitieuse avec une personnalité consciencieuse-contrôlante dont le revers est un profil rigide-autoritaire. La candidate du PS a également de nombreux traits de la personnalité intrépide. Et son succès montre l'importance de la communication non verbale en politique.
On lira avec curiosité les « prédictions » (au sens statistique du terme, précise l'auteur) sur le type de présidence auquel on peut s'attendre avec l'un et avec l'autre.
Regrettant qu'en France les profils psychologiques soient peu utilisés durant les campagnes électorales, Pascal de Sutter conclut avec la question « Votons-nous pour les plus fous ? ». Sa réponse : «Nous élisons les menteurs et les enjoliveurs», parce que leurs défauts nous rassurent sur nous-mêmes et que nous préférons ceux qui nous ressemblent. Et, pour les mêmes raisons, «nous préférons les hommes politiques qui ont un grain de folie aux hommes politiques rationnels et académiques». Alors, qui va gagner ?
« Ces fous qui nous gouvernent », Pascal de Sutter, les Arènes, 314 pages, 19,80 euros.
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