EN MARKETING, on appelle cela « faire du buzz » : il s'agit de créer un maximum de bruit autour d'un événement ou d'une nouvelle. En ce qui concerne l'alliance entre Maaf Assurances et l'industriel de l'agro-alimentaire Unilever, c'est plutôt réussi. Le mariage n'est pas encore officiel que toute la presse en parle - nous aussi - comme d'un tournant culturel. « Une mutuelle va rembourser la margarine ! », résument les plus pressés. En réalité, il s'agit d'un partenariat complexe dont le principal axe semble le lancement d'une immense campagne de communication croisée, entre deux acteurs jusque-là étrangers l'un à l'autre. Un précédent qui pourrait bien faire des petits.
Un an pour voir.
Très concrètement, la Maaf va proposer à ses 3,2 millions de sociétaires (dont 814 000 assurés santé), mais aussi à de futurs adhérents, de bénéficier de l'offre « Pur Bonus Santé », si tant est qu'ils aient un problème de cholestérol (voir encadré). Donc, les personnes concernées devront, pour bénéficier de l'offre, acheter des produits de la gamme Fruit d'Or Pro-Activ enrichis aux stérols végétaux, conserver les tickets de caisse et codes barre qu'ils enverront à la Maaf à la fin de 2006. Les adhérents recevront une lettre qui leur annoncera une réduction de leur prime, tandis que les non-adhérents pourront réclamer cette réduction sur un contrat futur en 2007. « La Maaf rembourse 10 euros pour l'achat de 7 produits, 22 euros pour l'achat de 14 produits, 40 euros pour l'achat de 21 produits (qui correspond à une consommation régulière aux doses recommandées) », explique Didier Bourdonnais, directeur marketing et communication de Maaf Assurances. Les 40 euros correspondent au surcoût engendré par l'achat, pendant un an, d'une margarine aux phytostérols par rapport à une margarine classique (autrement dit, aux principes actifs - les phytostérols - ajoutés dans les produits).
Cette offre est le résultat d'un partenariat qui garantit aux deux bénéficiaires l'exclusivité de part et d'autre pendant un an, de janvier à décembre 2006. D'une part, à la Maaf, dont le nom sera apposé sur tous les produits de la gamme Fruit d'Or Pro-Activ - margarine, lait, yaourts, vendus dans la grande distribution ; d'autre part, à Unilever, qui profitera du capital image de la mutuelle pour augmenter sa crédibilité et sera présent dans les agences Maaf. Une grande campagne de communication, notamment via des spots publicitaires impliquant les deux partenaires, est prévue dès février auprès du grand public. « Quant aux professionnels de santé, explique Thierry Delaunay, directeur marketing d'Unilever France, ce sont des cibles que l'on visite déjà très régulièrement depuis cinq ans », dit-il en citant les cardiologues et les médecins généralistes. Il est prévu pour eux une information spéciale assortie d'une distribution de documentation dans les salles d'attente. « Le coût de l'opération reste confidentiel », précise Thierry Delaunay, qui assure qu'il « sera partagé de façon équitable entre nos deux sociétés » et n'exclut pas à l'avenir une distribution de son produit en pharmacie.
Les deux partenaires se donnent un an pour voir, avant de savoir s'ils renouvellent l'expérience, ou la renégocient avec d'autres. En effet, ils ne sont pas seuls sur les rangs, comme en témoignent les discussions qui seraient en cours entre la firme Danone et les Assurances générales de France (AGF) sur la même catégorie de produits.
Le rôle de l'alimentation et des industriels.
Bien sûr, une telle innovation soulève quelques réactions. Les porte-parole de la Maaf ont souligné leur rôle de pionnier à bien des égards, rappelant qu'ils ont été les premiers à proposer le renouvellement des lunettes sans ordonnance, ce qui a provoqué déjà un tollé à l'époque. Les premiers à avoir obtenu un agrément des autorités européennes « novel food » en 2000 et forts de la reconnaissance de l'Afssa (Agence française de sécurité des aliments) qui leur permet d'apposer sur leurs produits la mention « enrichi en stérols végétaux qui réduisent significativement le cholestérol dans le cadre d'un régime adapté », les représentants d'Unilever défendent leur rôle d'acteurs participant à la lutte contre le cholestérol.
Pour leurs détracteurs, il est indécent de communiquer autour de la prévention en santé quand on commercialise par ailleurs des produits comme le Boursin ou les glaces Viennetta, riches en graisses et en sucres. « Il y a des produits indiqués pour certaines personnes, d'autres pour d'autres », répond-on à Unilever. Certains estiment que la Maaf aurait été mieux inspirée de rembourser des consultations de diététique, qui ne sont pas prises en charge par la Sécurité sociale, voire d'aider à la consommation des fruits et légumes. « On y songe », répond l'assureur. Il faut un début à tout. Face aux questions que se pose le grand public - et parfois aussi les médecins -, le Pr Eric Bruckert, chef du service endocrinologie à la Pitié-Salpêtrière (Paris), président de la Société française d'athérosclérose, a éprouvé le besoin de spécifier que « l'approche nutritionnelle a un impact qui est beaucoup plus fort que ce qui est habituellement perçu », même par les médecins - et de rappeler les recommandations de l'Afssaps sur la « Prise en charge du patient dyslipidémique » (voir encadré), parues en mars 2005. « On va arriver à un paradoxe où on va acheter nos médicaments chez Auchan et la margarine chez le pharmacien, ça n'a aucun sens », estime-t-il, en insistant sur l'importance de faire comprendre aux patients qu'il leur revient en premier lieu de faire diminuer leur propre taux de cholestérol, notamment en adoptant une alimentation adaptée. Or, enrichir une margarine en stérols végétaux a un coût, naturellement répercuté sur le prix de la boîte. C'est ce surcoût (et seulement lui) qui sera pris en charge par l'assureur. Pas de risque donc de consommation abusive pour « récupérer » 40 euros. En revanche, les patients qui en ont besoin pourront accéder plus facilement à ces produits, l'aspect économique pouvant être un frein à leur utilisation régulière, condition sine qua non de leur efficacité.
Les recommandations de l'Afssaps
Les dernières recommandations de l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) indiquent que « le traitement diététique est la base de la prise en charge ».
« Ce traitement comprend quatre catégories de mesures :
- une limitation de l'apport en acides gras saturés (graisses d'origine animale), au profit des acides gras mono- et poly-insaturés ;
- une augmentation de la consommation en acides gras poly-insaturés oméga 3 (poissons) ;
- une augmentation de la consommation de fibres et micronutriments naturels (fruits, légumes et produits céréaliers) ;
- une limitation du cholestérol alimentaire, voire l'utilisation d'aliments enrichis en stérols végétaux.
Le cholestérol, un problème de santé publique
Les maladies cardio-vasculaires représentent la première cause de mortalité en France, avec 170 000 morts par an ; les accidents vasculaires cérébraux sont la première cause de handicap.
Environ un quart de la population adulte a un excès de cholestérol (supérieur à 2,2 g/l) ; le taux idéal pour la santé est inférieur à 2,0 g/l. La diminution du taux de cholestérol (en particulier de LDL cholestérol) doit être un objectif dans la réduction des maladies cardio-vasculaires. Un des neuf objectifs du Pnns (programme national Nutrition Santé) 2000-2005 est la baisse de 5 % de la cholestérolémie moyenne de la population adulte.
Si l'hypercholestérolémie relève d'une susceptibilité génétique, les facteurs alimentaires interviennent également soit en augmentant le taux de cholestérol (excès de graisses saturées, par exemple), soit en le réduisant (en observant les quatre recommandations de l'Afssaps).
> Dr D. C.
Egalement :
> Les complémentaires choisiront de plus en plus la prévention
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature