L'appel à l'abstinence aux Etats-Unis

Un moyen de prévention inefficace

Publié le 14/03/2004
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GEORGE BUSH l'a encore rappelé lors de son discours sur l'Union en début d'année, l'abstinence est, selon lui, un des éléments essentiels de la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST). Il est soutenu par certaines autorités religieuses et associations (Abstinence Clearinghouse et l'Institute for Youth Development), qui se sont notamment réjouies de l'importance accordée à ce type de prévention dans la loi de 2003 qui autorisait l'initiative de lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme, en accordant 15 milliards de dollars à quatorze pays parmi les plus pauvres.
Selon les responsables de la campagne « L'amour véritable attend », lancée par l'Eglise baptiste du Sud, 2,4 millions de jeunes gens auraient signé un engagement à la chasteté depuis 1993.
Or, une étude présentée par Peter Bearman, président de la faculté de sociologie à l'université Columbia, lors du congrès de Philadelphie sur la prévention des IST, confirme non seulement que ce type de message est inefficace, mais qu'il a des effets pervers.
Le suivi pendant six ans de 12 000 adolescents a révélé que 88 % de ceux qui s'étaient engagés à la chasteté avaient eu des rapports sexuels avant le mariage. L'âge des premiers rapports est certes plus tardif, repoussé de 18 mois en moyenne par rapport aux autres, et ils ont en moyenne moins de partenaires ; cependant lors du premier rapport, ils n'utilisent aucun moyen contraceptif. Le vœu de chasteté ne les protège ni du risque d'IST, ni de celui de grossesse non désirée. Le risque reste équivalent à celui que courent les autres adolescents. Plus ennuyeux, « dans le contexte américain, le mouvement en faveur de l'information exclusivement axée sur l'abstinence crée une situation où personne n'a d'information correcte sur la façon saine d'avoir des partenaires sexuels », a commenté le sociologue. C'est d'autant plus inquiétant que 20 millions d'IST sont diagnostiquées chaque année aux Etats-Unis, dont 50 % chez des jeunes âgés de 15 à 24 ans qui ne représentent pourtant que 25 % de la population sexuellement active.
Au Cdag de l'hôpital Saint-Louis, comme le confirme le Dr Julie Timsit, « nous n'avons pas de discours incitatif d'un comportement sexuel plutôt qu'un autre. » Les jeunes sont certes informés que la meilleure façon de ne pas se contaminer reste l'abstinence, mais on leur donne surtout des recommandations sur l'organisation de la vie sexuelle : sur le risque lié aux partenaires multiples, sur l'utilisation du préservatif et le recours aux tests de dépistage.

> Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7498