La tomodensitométrie
LA CORRELATION entre les calcifications coronaires et le risque de coronaropathie est connu de longue date (1). Ce risque augmente lorsque les calcifications vasculaires sont plus étendues. Cette constatation a été faite au sein de la population féminine aussi bien que masculine. Des travaux récents (2) ont confirmé cette donnée en utilisant des méthodes diagnostiques très performantes comme l'angiotomodensitométrie spiralée. La reconstruction des images en trois dimensions permet, notamment, de suivre avec beaucoup de précision l'évolution du processus de calcification des coronaires.
Les calcifications coronaires, un facteur de risque.
La rupture ou l'érosion de la plaque d'athérosclérose instable constitue le mécanisme commun à tous les syndromes coronariens aigus. Les manifestations cliniques aiguës de la maladie athéroscléreuse, quelle qu'en soit la localisation, sont essentiellement dues à la formation d'un thrombus dans la lumière vasculaire au contact direct d'une plaque, soit lorsque celle-ci est érodée en superficie, ou lorsque la plaque s'est rompue. La vulnérabilité de la plaque dépend dans une large mesure de sa composition. Mais la présence de calcifications n'induit en rien la stabilité de la plaque, bien au contraire. A.P. Burke et coll. ont en effet pratiqué une étude autopsique chez 108 sujets ayant fait une mort subite d'origine coronaire. Des calcifications étaient présentes chez 55 % des hommes et des femmes de moins de 40 ans. Ces calcifications ont été mises en évidence chez tous les hommes de l'étude de la cinquantaine et chez toutes les femmes de 60 ans au moins, en particulier en cas de diabète. Le degré de calcification était plus important lorsque des plaques d'athérome avaient été rompues. Ainsi, pour cet auteur, les plaques d'athérome calcifiées sont plus fréquentes chez les femmes lorsqu'elles sont diabétiques et elles manifestent une plus grande propension à l'instabilité et à la rupture.
Une méthode de choix.
Ces données limitées en nombre ont été confirmées au moyen d'une étude de type cohorte portant sur 10 377 hommes et femmes asymptomatiques mais ayant des calcifications coronaires, qui ont été suivis par tomodensitométrie pendant 5 ± 3,5 ans (3). Cette étude a montré que les calcifications coronaires sont associées à un risque cardio-vasculaire plus élevé, indépendamment des facteurs de risque conventionnels. Elles constituent ainsi un marqueur spécifique de la maladie coronaire et possèdent une valeur prédictive supérieure à celle de l'angiographie coronaire. Pour l'auteur de ce travail, la tomodensitométrie est particulièrement utile chez les femmes, car le diagnostic précoce de la maladie coronaire par les examens habituels est plus difficile que chez les hommes.
Dans le cadre d'une étude très récente, la St Francis Heart Study (4), qui portait sur une population vivant aux Etats-Unis, Y. Arad et coll. ont même pu montrer que l'importance des calcifications coronaires permet de prédire le risque de maladie coronaire avec plus de précision que les données issues de l'étude de Framingham ou que le dosage de la protéine C-reactive. Cette constatation s'appliquait aux femmes comme aux hommes.
Vers de nouvelles stratégies thérapeutiques ?
Concernant la population féminine, il est actuellement bien admis qu'elle a été sous-représentée dans les essais cliniques, notamment ceux qui portaient sur les traitements hypolipémiants, par exemple pour l'évaluation de l'efficacité des statines. C'est la raison pour laquelle P. Raggi et coll. ont entrepris l'étude BELLES (5). Dans cette étude multicentrique randomisée à double insu, 615 femmes ménopausées hyperlipémiques ont été aléatoirement assignées à un traitement par deux doses différentes d'atorvastatine (40 et 80 mg). L'évolution des calcifications coronaires a été appréciée par deux tomodensitométries réalisées à douze mois d'intervalle. Dans cette étude, la réduction du LDL-cholestérol a été de 46 ± 19 % sous traitement hypolipémiant à la dose la plus élevée, et de 24 ± 18 % dans le groupe de femmes assignées au traitement à la posologie la plus faible, la différence entre les deux groupes étant hautement significative (p < 0,0001). Il est intéressant de noter que les scores de calcifications coronaires ont évolué de manière similaire dans les deux groupes, la progression des calcifications ayant été plus importante chez les femmes ayant des antécédents cardio-vasculaires, un diabète ou une hypertension artérielle.
Cette étude a donc montré que l'intensification du traitement par statine pendant un an s'accompagne d'une réduction du taux de LDL-cholestérol plus importante que sous traitement à dose plus faible, mais que cette amélioration biologique ne semble pas s'accompagner d'une amélioration de la progression des calcifications coronaires. En revanche, l'adjonction d'un traitement antioxydant (6) semblerait pouvoir induire une régression du score de calcifications coronaires lorsque ce dernier est élevé à l'inclusion.
D'après les communications de L. J. Shaw et de S. Schroeder, session « How to detect coronary artery disease in women ? »
1. Warburton RK, et coll. Coronary artery calcification: Its relationship to coronary artery stenosis and myocardial infarction. « Radiology », 1968 ; 91 (1) : 109-115.
2. Horiguchi J. et coll. Variability of repeated coronary artery calcium measurements by 16-MDCT with retrospective reconstruction. « Am J Roentgenol », 2005 ; 184 (6) : 1917-1923.
3. Raggi P. et coll. Gender-based differences in the prognostic value of coronary calcification. « J Womens Health » (Larchmt), 2004 ; 13 (3) : 273-283.
4. Arad Y. et coll. Coronary calcification, coronary disease risk factors, C-reactive protein, and atherosclerotic cardiovascular disease events: the St Francis Heart Study. « J Am Coll Cardiol », 2005 ; 46 (1) : 158-165.
5. Raggi P. et coll. Aggressive Versus Moderate Lipid-Lowering Therapy in Hypercholesterolemic Postmenopausal Women Beyond Endorsed Lipid Lowering With EBT Scanning (BELLES). « Circulation », 2005 ; 112 : 563-571.
6. Arad Y. et coll. Treatment of asymptomatic adults with elevated coronary calcium scores with atorvastatin, vitamin C, and vitamin E : the St Francis Heart Study randomized clinical trial. « J Am Coll Cardiol », 2005 ; 46 (1) : 166-172.
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