MOUSSAOUI A ÉTÉ ARRÊTÉ parce que sa conduite, hautement imprudente pour un homme qui se préparait à commettre un grave attentat, avait éveillé les soupçons. Les écoles de pilotage, qui n’avaient rien vu au sujet des étudiants en pilotage que les attentats du 11 septembre ont rendu célèbres, ont signalé le comportement de Zacharias Moussaoui au FBI : piètre élève, il voulait seulement apprendre à décoller et à couper la pression atmosphérique dans la cabine.
Moussaoui a donné plusieurs signes d’un possible déséquilibre mental : il a conspué ses juges et ses avocats, a décidé de plaider coupable alors qu’il n’a tué personne, se réclame en hurlant d’Al Qaïda et perturbe systématiquement les sessions du tribunal.
Lequel, après beaucoup de retards, a pu sélectionner un jury et commencer les audiences.
Une « conspiration ».
Elles devraient être simplifiées dès lors que Moussaoui plaide coupable. Il ne s’agit plus de prouver sa culpabilité, mais de fixer la sentence. La notion de « conspiration », très présente dans le droit américain, permet de transformer l’intention criminelle en crime. Dans le cas de Zacharias Moussaoui, cela signifie la peine capitale.
Toutefois, le ministère français de la Justice rappelle que des informations sur Moussaoui n’ont été fournies par la France aux autorités américaines qu’à la condition qu’elles ne servent pas à appliquer à l’accusé la peine de mort, abolie en France.
En outre, l’accusation américaine a renoncé à prouver que Moussaoui était le vingtième complice du groupe qui a détourné quatre avions simultanément le matin du 11 septembre 2001. Et, effectivement, tout laisse penser que Moussaoui agissait seul ; il affirme avoir eu pour mission de jeter un appareil de ligne sur la Maison Blanche ; et, dans ce cas, on peut parler de conspiration puisque cela voudrait dire qu’il a reçu des ordres, de l’argent, une logistique pour accomplir son forfait. Mais il n’a jamais pu passer à l’acte. En France, il ne serait sans doute pas condamné, car l’intention de tuer n’est pas considérée comme un crime. Il en va de même aux Etats-Unis, sauf pour les crimes non commis, mais organisés, par plusieurs partenaires (d’où la notion de conspiration).
La coupable, c’est l’Amérique !
L’accusation veut faire un exemple ; tous les assassins du 11 septembre sont morts pendant leurs forfaits. L’Amérique veut sans doute que cet homme au moins expie pour les autres. Mais on voit mal comment il pourrait être chargé de l’ensemble des actes du 11 septembre, alors que l’accusation elle-même a renoncé à faire de lui le « vingtième homme ». L’instruction l’accuse d’avoir su ce qui se tramait et donc de ne pas avoir empêché la mort de près de trois mille personnes ; là encore, elle insiste sur la notion de conspiration. Et c’est pourquoi ses avocats vont essayer de démontrer que les signaux d’alarme furent très nombreux pendant l’été 2001, qu’ils ont été négligés par le gouvernement américain et que, dans ces conditions, il n’y a pas de raison de faire peser sur Moussaoui une responsabilité que les dirigeants américains partageraient avec lui.
IL EST VRAI QUE MOUSSAOUI DOIT ETRE JUGE DANS LE RESPECT DU DROIT, MAIS NOTRE COMPASSION VA D'ABORD AUX VICTIMES DU TERRORISMEIl est vraiment impossible de dire aujourd’hui comment le procès se terminera. Mais le danger pour l’accusé est immense. D’abord, parce qu’il continue à perturber les audiences du tribunal et qu’il exige d’être condamné (ce qui mériterait un examen psychiatrique) ; ensuite, parce que sa haine, sans cesse exprimée dans l’enceinte du tribunal, crédibilise ses dires : il « est » Al Qaïda, il souhaite la destruction des Etats-Unis, il récuse et la justice et le droit ; s’il n’est pas un déséquilibré, c’est un fanatique, comme le sont d’ailleurs la plupart des détenus de Guantanamo, dont les conditions de détention sont vivement reprochées aux autorités américaines, mais dont le comportement explique au moins en partie qu’ils soient traités brutalement ; enfin, Zacharias Moussaoui, s’il est sain d’esprit, traite son procès d’une manière absolutiste : il est l’ennemi absolu de l’Amérique, l’homme qui, s’il en avait les moyens, la détruirait entièrement. Non seulement il n’a aucun compte à lui rendre, mais elle doit savoir que, s’il retrouvait sa liberté, toute son énergie serait consacrée au même objectif, la destruction des Etats-Unis. Il est à lui seul une sorte d’image d’Epinal du fanatisme. Et, franchement, si l’on partage l’analyse selon laquelle une démocratie comme les Etats-Unis a la possibilité de réprimer le terrorisme dans le strict respect du droit, la compassion des hommes de bonne volonté ne va pas en priorité à Moussaoui, mais à toutes les victimes de ce terrorisme haineux, irrationnel, qui se complaît dans l’assassinat, dans le sang et dans la douleur des autres.
Il donne donc les moyens à l’accusation de soulever dans le jury une révolte, et même une répugnance, au moins aussi fortes que la sienne. La défense imaginée par les avocats est beaucoup moins convaincante que les flammes infernales charriées par le discours de Moussaoui : dire que le gouvernement américain savait ce qui se tramait, c’est l’accuser d’avoir laissé faire, d’avoir attendu que les avions de ligne tombent sur les tours, sur le Pentagone et sur la Pennsylvanie. Qui peut croire une thèse pareille ? Hélas, l’explication la plus vraisemblable n’est pas que l’administration savait ce qui allait se produire, mais qu’elle n’ait pas su réagir aux signaux envoyés par ses services. Pas vraiment machiavélique, mais affreusement incompétente.
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