Chaque année, 200 000 IVG sont pratiquées en France dont plus de 30 000 chez les moins de 20 ans, malgré un taux de couverture contraceptive en augmentation. Dans 80 % des cas, il s’agit d’une contraception médicale. Utilisée par 60 % des femmes, la pilule occupe une place de choix dans notre pays, suivie par le stérilet (23 %) et les autres méthodes (16 %). Selon le rapport de l’Igas publié en 2009 (voir encadré), cette « apparente stabilité » du nombre d’IVG serait le signe d’une meilleure maîtrise de la fécondité. Elle s’expliquerait en effet par un recours à l’IVG de plus en plus fréquent en cas de grossesses non désirées. Il n’en reste pas moins que le nombre d’échecs contraceptifs est trop élevé. Près de la moitié des IVG sont réalisées chez des femmes qui utilisent une contraception théoriquement efficace, mais pas forcément adaptée ou mal suivie.
Trop de grossesses non prévues chez les adolescentes
La puberté chez les jeunes filles est de plus en plus précoce, mais l'âge moyen du premier rapport sexuel a peu changé, il est de 17,5 ans pour les filles et 17 ans pour les garçons. Pour près d’un quart des filles c’est avant 15 ans, dans plus de 5 % des cas sans aucun moyen de contraception. Leurs rapports sexuels sont souvent caractérisés par l’imprévisibilité et le caractère sporadique ce qui, allié à une observance souvent imparfaite de la pilule, aboutit à un nombre d’interruptions volontaires de grossesse qui reste stable (13 400 IVG chez les 15/17 ans en 2007, plus de 30 000 chez les jeunes filles de moins de 20 ans). Deux tiers des grossesses chez les adolescentes ne sont pas prévues.
Pour améliorer cette situation, la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires) de juillet 2009 prévoit plusieurs mesures : délivrance de la contraception par les services de médecine préventive des universités, possibilité pour les pharmaciens et les infirmières, notamment les infirmières scolaires, de renouveler les prescriptions de pilules pour six mois, information sur la contraception dans les maisons des adolescents… Idéalement, certains spécialistes souhaiteraient que les mineures aient accès à la contraception chez n’importe quel médecin, anonymement et gratuitement.
Penser au patch, à l’anneau vaginal ou au dispositif intra-utérin
La plus prescrite, la contraception œstroprogestative propose une vaste palette de possibilités suivant le dosage en éthinyl œstradiol (EO) : normodosée à 50 µg, minidosée de 15 à 30 µg, selon le progestatif de 1re, 2e ou 3e génération, selon la combinaison mono, bi ou triphasique et enfin selon le remboursement. En cas de contre-indication à l’EO (antécédents de thrombophilie, HTA, migraines avec aura, diabète déséquilibré ou maladie œstrogénodépendante comme le lupus), il est possible de se tourner vers la contraception progestative pure : pilule microprogestative, macroprogestative, ou dispositif sous cutané valable 3 ans. Une nouvelle pilule dans laquelle l’EO est pour la première fois remplacé par un estrogène naturel, Qlaira, est commercialisée depuis quelques mois. Toutefois, on attend les résultats des études observationnelles pour confirmer le bénéfice cardiovasculaire et métabolique de l’éviction de l’EO et en attendant, il est recommandé de respecter les contre-indications classiques. « Cela fait trente ans que nous attendions une pilule à base d’œstradiol naturel, efficace et bien tolérée… Je suis étonnée de constater qu’elle n’est pas davantage prescrite, même si son prix représente pour l’instant un frein », constate le Dr Brigitte Letombe, présidente de la FNCGM (Fédération Nationale des Collèges de Gynécologie Médicale).
Des voies d’administration comme le patch ou l’anneau vaginal peuvent être intéressantes lorsque se pose un problème d’observance. Toutes deux ont les mêmes contre-indications vasculaires et métaboliques que la pilule. Enfin, les DIU (dispositifs intra-utérins) ne sont plus réservés aux femmes multipares. « On peut proposer le Mirena (lévonorgestrel) à une jeune femme de 25 ans qui a une vie sexuelle stable et n’envisage pas de grossesse avant 4-5 ans. Il diminue notablement l’abondance des règles, voire les fait disparaître totalement, à l’inverse d’un DIU au cuivre », estime le Dr Brigitte Letombe.
Rendre la consultation d’instauration plus efficace
Pour être bien acceptée et bien suivie, la méthode contraceptive doit être adaptée à chaque femme et choisie avec elle, en fonction de sa réalité quotidienne, de ses craintes et de ses attentes. Pour aider les médecins, la FNCGM travaille actuellement sur la consultation « minimum » la plus efficace possible pour une instauration de contraception.
Aujourd’hui, les femmes acceptent moins bien les effets secondaires de la contraception, et au moindre problème elles arrêtent, souvent sans en parler à leur médecin. « Depuis la polémique sur les THS, elles ont peur des hormones, soupçonnées d’augmenter le risque de cancer du sein. Il est important de les rassurer en expliquant que le risque de cancer du sein augmente de 20 % durant la prise de la pilule mais disparaît à l’arrêt. Mais que la pilule diminue par ailleurs de 40 à 50 % le cancer de l’endomètre, des ovaires et du côlon, et ce de façon durable, insiste le Dr Brigitte Letombe. Il faut leur expliquer aussi les effets positifs de la pilule : moins d’anémie, de problèmes de fertilité à l’arrêt, de risques d’IST, d’endométrioses, de dysménorrhées, très fréquentes chez les jeunes femmes. Elle permet aussi de gérer son calendrier de règles en enchaînant jusqu’à 4 plaquettes d’affilée ».
Attention aux « ruptures de contraception »
Il y a plusieurs « moments clé » pour aborder la contraception : le début de la vie sexuelle bien sûr, mais aussi en cas de changement de partenaire, au décours d’une grossesse, en cas d’IVG, en cas de souhait de changement de méthode (arrêt du préservatif notamment), en présence d’un facteur de risque (infection sexuellement transmissible, hypercholestérolémie, tabagisme…) Autant de moments où il est important de refaire le point avec sa patiente pour savoir si elle rencontre des problèmes ou se pose des questions par rapport à sa contraception. Cela évite que cette période de transition ne se transforme en « rupture de contraception » pouvant conduire à une grossesse non désirée.
Préserver la confidentialité
Les jeunes sont moins bien informés que ce que l’on ne pense sur la contraception, aussi est-il important de ne pas prescrire la pilule comme une évidence. Il faut prendre le temps d’écouter sa patiente et d’expliquer comment fonctionne la pilule, que faire en cas d’oubli ou d’effets indésirables (douleurs mammaires, saignements entre les règles…) Et d’insister sur la nécessité de se protéger des grossesses (un seul rapport, voire une éjaculation à la vulve peut être fécondant chez une adolescente), mais aussi des IST en utilisant aussi un préservatif. Celui-ci peut être abandonné après au moins trois mois d’une relation stable, après que les deux partenaires aient pratiqué un test VIH.
« La consultation doit absolument avoir lieu en tête à tête avec la jeune femme, pour pouvoir aborder sa vie affective et sexuelle en toute confidentialité. Pour une première contraception, c’est la pilule qui est la plus indiquée, elle fait aussi partie de la symbolique de passage dans le camp des femmes. Je conseille de préférence une pilule monophasique minidosée à 30 µg, remboursée, pour minimiser les risques d’erreur ou l’impact des retards de prise. Chez les jeunes filles, le risque cardiovasculaire est négligeable », explique le Dr Marie Valuire, gynécologue-obstétricien à Athis-Mons dans l’Essonne.
L’examen clinique comporte la mesure de la tension et la palpation des seins (pour vérifier si le stade pubertaire est normal), en revanche l’examen gynécologique n’est pas nécessaire. S’il n’y a pas de facteurs de risque familial de thrombose, un premier bilan lipidique sera réalisé 3-6 mois après. La HAS recommande un frottis après l’âge de 25 ans, mais en pratique, chez les jeunes filles qui ont commencé leur sexualité tôt, il vaut mieux le faire après 5 ans de vie sexuelle.
Génération « pilule du lendemain »
La contraception d’urgence (CU) est de plus en plus utilisée et un tiers des 15-24 ans déclare y avoir déjà eu recours. Cependant, son utilisation est souvent imparfaite et son recours en cas de rapport mal ou non protégé reste trop faible. Le plus souvent les femmes ignorent que la CU peut être utilisée jusqu’à 72 heures (et maintenant 120 heures après un rapport sexuel non protégé, voir encadré) et n’y font pas appel si les « fatidiques 24 heures » sont dépassées ! Cette perception erronée est en partie liée à l’appellation « pilule du lendemain » qui devrait être abandonnée au profit de « contraception d’urgence ». Près d’un quart des femmes pensent qu’il faut une prescription pour l’obtenir. Selon le Dr Brigitte Letombe, « la pilule du lendemain ne doit pas devenir le moyen de contraception principal, mais rester un rattrapage. Son utilisation fréquente n’est pas souhaitable car, même si elle ne présente pas de risque important, elle n’est pas efficace à 100 % et déséquilibre le cycle. Pour faciliter son accès, elle devrait être co-prescrite systématiquement « à l’avance » lors de la prescription d’une contraception régulière. En effet, seules 20 % des femmes n’oublient jamais leur pilule ».
Normaliser la place de l’IVG
Des progrès indéniables ont été réalisés dans la prise en charge de l’IVG, mais les femmes ne sont pas toujours traitées en patientes comme les autres et restent confrontées à des attitudes culpabilisantes. Le délai de prise en charge dans les établissements est de 7 jours en moyenne, et la méthode médicamenteuse représente désormais 49 % des IVG réalisées. Mais un établissement sur vingt a encore des délais supérieurs à 15 jours et il existe une grande disparité régionale dans le développement des IVG médicamenteuses. Le délai légal est de 14 semaines d’aménorrhée (12 semaines de grossesse), mais seules 3 % des IVG sont pratiquées à ce stade. La HAS (Haute Autorité de Santé) ne recommande pas les IVG médicamenteuses au-delà de 9 semaines d’aménorrhée et la loi les a autorisées jusqu’à 7 semaines pour les médecins libéraux, et récemment pour les centres de planification ou d’éducation familiale et les centres de santé. Marginale, la pratique en ville ne représente encore que 9 % du total des IVG. Dans son rapport, l’Igas formule un certain nombre de recommandations pour améliorer l’accès à l’IVG (voir encadré).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature