GEORGE BUSH a eu l’occasion de mesurer la perte d’influence des Etats-Unis au cours d’un voyage en Amérique latine où sa proposition de zone de libre échange étendue à la totalité de l’hémisphère américain a fait long feu, pendant que Hugo Chavez, président du Venezuela, le couvrait d’injures lors d’un contre-sommet. Grand admirateur de Castro, récemment converti à un antisémitisme opportuniste, M. Chavez n’étonne plus personne avec ses discours excessifs ; ce qu’il dit n’est pas important. Ce qui est important, c’est que M. Bush, prodigieusement agacé par l’insecte vénézuélien, ne peut pas l’écraser d’un revers de la main. M. Chavez, on le sait, vend du pétrole.
Inquiétante apathie.
On aura déjà remarqué que l’hyperinterventionnisme du premier mandat de Bush aura laissé la place, en 2005, première année du second mandat, à une apathie inquiétante de la diplomatie américaine, qui n’a pu relever les deux défis graves de l’année : l’Irak ayant absorbé leurs ressources et leur énergie (pour un résultat désastreux), les Américains ne sont pas en mesure de prendre à partie les deux pays, la Corée du Nord et l’Iran, qui ont cette double particularité de vouloir construire une bombe atomique et d’être dirigés par des irresponsables.
L’absence de réaction des Etats-Unis contraste avec le zèle qui a conduit en Irak les armées américaines. Tout se passe comme si les Etats-Unis s’étaient convertis à la monoculture : ils ne peuvent s’occuper que de l’Irak. Enfin revenu à une conception plus modeste des affaires internationales, M. Bush a déjà oublié sa doctrine unilatéraliste. Jamais il n’a autant demandé à ses alliés qu’ils partagent ses tâches ; et jamais il n’a été aussi indulgent pour ses ennemis déclarés, comme le montre le phénomène Chavez.
Sa secrétaire d’Etat, Condoleezza Rice, a une presse excellente : elle a fait bonne impression lors de son voyage en Europe où elle a calmé le jeu dans l’affaire des transports de détenus terroristes par la CIA. Mais si, officiellement, les Etats-Unis défendent le projet néoconservateur de favoriser l’éclosion des démocraties là où se trouvent des régimes autoritaires, Mme Rice est relativement discrète sur le sujet.
C’est surtout vers l’Est européen, sa zone de prédilection, qu’elle dirige ses efforts. Les Etats-Unis continuent à essayer de démocratiser les anciennes Républiques soviétiques, sous le regard ombrageux de Vladimir Poutine, qui résiste au Kirghizistan, en Biélorussie, au Kazakhstan et même en Ukraine dont il a forcé les dirigeants à payer son gaz au prix mondial, sans doute pour y affaiblir la jeune démocratie.
Le risque d’une domination de l’Iran.
Destinée à dissuader tous les mouvements subversifs, la guerre en Irak a eu les résultats inverses de ceux que M. Bush espérait. Non seulement l’Amérique ne fait plus peur, parce qu’elle a montré qu’elle ne peut pas conduire deux conflits à la fois (ni même finir un seul conflit), mais elle n’est pas en mesure de contenir les menées de l’Iran et de la Corée du Nord. Elle est donc privée à la fois de l’avantage psychologique naguère accordé à la superpuissance et de l’avantage matériel qui faisait penser que nul ne pouvait résister à sa force.
Le comportement de Pyongyang risque d’aboutir à une grave menace sur la sécurité mondiale parce qu’un déséquilibré dirige le pays. Avec l’Iran, l’effort nucléaire est encore plus inquiétant : il fait partie d’une stratégie non pas destinée, comme dans le cas de la Corée du Nord, à extorquer des avantages aux pays riches, mais à exercer à terme une forme plus ou moins grande de domination iranienne sur le Proche-Orient. Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a choisi en outre de se livrer à la provocation en annonçant ses intentions : c’est Israël qu’il veut détruire et c’est pour cette raison qu’il a besoin de la bombe atomique.
MIS AU DEFI PAR L'IMPUISSANCE DES ETATS-UNIS, LES EUROPEENS NE SONT PAS EN MESURE DE SAISIR L'OCCASIONDepuis plus d’un an, les Etats-Unis ont confié à l’Europe le soin de gérer le dossier iranien, avec l’espoir qu’il serait possible de calmer les ardeurs nucléaires de Téhéran par la voie diplomatique. Le dépôt du dossier devant le Conseil de sécurité semble inéluctable, ce qui vaudra peut-être des sanctions à l’Iran, mais ne l’empêchera pas d’accéder un jour au statut de puissance atomique.
Pour les Etats-Unis se posent plusieurs questions : en envahissant l’Irak, ne se sont-ils pas trompés de cible ? Peuvent-ils envahir l’Iran, ce qui entraînerait une crise pétrolière aux conséquences économiques sérieuses, mais surtout semble hors de leur portée ? Est-il possible de détruire la capacité nucléaire de l’Iran par des bombardements ? Faut-il confier cette tâche à la cible numéro un d’Ahmadinejad, c’est-à-dire Israël ? Aucune des réponses positives à ces questions n’est enthousiasmante.
Une Europe absente.
Au moment où M. Bush, non sans réticences, rejoint l’idée de multilatéralisme, au moment où il affronte des dangers réels après avoir épuisé ses forces dans un conflit qu’il a créé de toutes pièces, il ne trouve pas en Europe les moyens ni la volonté d’une politique ferme ni même l’unité de vues qui assurerait la cohésion des Occidentaux. A l’impuissance américaine répond celle de l’Union européenne qui, plus de six mois après le double « non » de la France et de la Hollande au référendum, a survécu de justesse au sommet de décembre, où a été enfin adopté un budget européen qui n’amorce aucune des réformes dont l’Union européenne a cruellement besoin. L’effacement progressif de l’hégémonie américaine offrait aux Européens la chance de mettre en ?uvre leurs idées. Mis au défi par les circonstances, ils ne donnent pas le sentiment qu’ils vont saisir l’occasion.> RICHARD LISCIA
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