Mieux comprendre les cancers épithéliaux

Un modèle murin de la cancérogenèse mammaire

Publié le 22/03/2004
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« NOTRE SYSTEME expérimental constitue un moyen unique d'étude des nombreuses étapes de la cancérogenèse humaine in vivo . Il ouvre la voie à la construction de modèles analogues pour comprendre les autres cancers émanant de tissus épithéliaux humains », écrivent les auteurs.
Les modèles murins sont très utilisés pour étudier la morphogenèse et la cancérogenèse mammaires humaines. La méthode habituelle consiste à enlever le tissu adipeux murin pour réaliser une xénotransplantation de cellules épithéliales humaines. Jusque-là, on n'est pas parvenu à récapituler l'intégralité du processus de développement normal ou pathologique.
Charlotte Kuperwasser et coll. ont mis au point un modèle de xénogreffe original, où à la fois les composants stromal et épithélial de la glande mammaire reconstruite sont d'origine humaine, en utilisant des souris immunodéficientes NOD/Scid. Après ablation du tissu adipeux, des fibroblastes irradiés, puis des organoïdes épithéliaux mammaires humains ont été introduits.

Humaniser le stroma.

Les chercheurs ont réalisé une manipulation génétique des cellules stromales humaines avant leur implantation. Les fibroblastes primaires ont été transfectés par un gène de télomérase et, en outre, on a obligé les fibroblastes à exprimer soit l'HGF, soit le TFG-bêta, de manière à humaniser l'ensemble du stroma.
On sait que ces deux facteurs de croissance sont synthétisés par le stroma de la glande mammaire normale et sont surexprimés dans celui des cancers mammaires. Et il a aussi été montré que la surproduction de l'HGF conduit à une hyperprolifération épithéliale, et que, à l'inverse, celle du TGF-bêta inhibe la prolifération des cellules épithéliales mammaires.
Les échantillons humains introduits provenaient de dix interventions pour réduction mammaire. Dix-huit greffes ont été réalisées. Seize d'entre elles ont donné lieu à des croissances hyperplasiques et néoplasiques.
Au total, l'examen de l'ADN a montré que toutes les tumeurs sont d'origine humaine.
« Ces observations indiquent qu'un environnement stromal altéré peut promouvoir la formation d'un cancer à partir des cellules anormales présentes dans le tissu normal et qui peuvent échapper à la détection histopathologique », indiquent les auteurs, qui poursuivent : « Nous pensons que ces cellules anormales ont déjà réalisé une ou plusieurs des étapes de la progression tumorale avant d'avoir été prélevées lors de la mammoplastie. »

Le développement des fibroblastes.

Le succès de la technique réside dans le développement des fibroblastes qui sont capables de survivre et de coloniser la glande mammaire, grâce au traitement qu'ils ont eu, à la synthèse du collagène et à l'activation du TFG-bêta dans le stroma.
Le travail démontre que ce tissu humain ne peut se comporter normalement en l'absence d'un environnement stromal normal.
Les anomalies histologiques, évaluées indépendamment par deux anatomopathologistes spécialistes du cancer, amènent à une conclusion : « Le procédé de reconstruction ici décrit peut laisser libre cours à la formation d'un certain nombre des étapes de la progression du cancer humain, y compris l'hyperplasie ductale, le carcinome in situ et le carcinome ductal invasif. »
La notion que de cellules prénéoplasiques ou néoplasiques existent dans le tissu mammaire de femmes jeunes ou d'âge moyen a antérieurement été montrée. Les observations présentées ici apportent de plus la démonstration qu'il existe des facteurs émanant des cellules du stroma qui s'ajoutent aux changements préalables des cellules mammaires et créent les excroissances carcinomateuses.

Proc.Natl.Acad.sci, édition en ligne.

> Dr BEATRICE VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7504