CLASSIQUE
PAR OLIVIER BRUNEL
O N n'avait pas vu « Attila » à Paris depuis presque vingt ans ! Jean-Albert Cartier avait réuni sur l'affiche du Châtelet fraîchement rebaptisé Théâtre musical de Paris, quatre des opéras de jeunesse de Verdi avec pour « Attila » une distribution comprenant Marilyn Zschau et Kurt Rydl dans une réalisation de René Allio alors jugée trop sage. C'était en 1982 et l'on n'avait pas encore vu tout ce dont la perversité de certains metteurs en scène était capable ! Pour ce retour, l'Opéra de Paris ouvre le grand vaisseau de sa salle Bastille, offre un chef prestigieux, l'Israélien Pinchas Steinberg ainsi que deux célèbres gosiers internationaux : Samuel Ramey et Maria Guleghina et convoque pour la mise en scène deux personnalités extérieures au monde lyrique : Jeanne Moreau et Josée Dayan.
Après le succès milanais de « Nabucco », son troisième opéra en 1842, Verdi dut produire opéra après opéra pour répondre à la demande des théâtres italiens qui se le disputaient. Il enchaîne succès après succès. Tandis que ces uvres de jeunesse sont reprises sur toutes les scènes italiennes, Londres puis Paris le réclament et ce sont quatorze opéras, forcement inégaux, qui naissent sous sa plume rapide jusqu'à la création de « Rigoletto » en 1851 à Venise.
« Attila », le neuvième de ces opéras dits des « années de galère » est historiquement tombé pile dans l'Italie révolutionnaire du Risorgimento. L'accueil à la création en 1846 à La Fenice de Venise fut enthousiaste, puis toute l'Italie s'arracha l'opéra pour acclamer le général romain Ezio chantant « Avrai tu l'universo, resti l'Italia a me ». Le pacte avec Attila, roi des Huns, était clair ; il ne le combattrait pas mais l'Italie lui resterait... C'était sans compter sans la ruse d'Odabella, une amazone chrétienne qui roulera Attila et lui donnera la mort en échange de sa confiance et d'une promesse de mariage.
Presque un western, un drame de barbarie romantique pour le moins ! Verdi, Solera et Piave, au prix de quelques invraisemblances historiques, avaient tiré le meilleur qu'ils avaient pu, du « Attila, König der Hunnen », de Zacharias Werner (1808).
On note beaucoup de similitudes entre « Attila » et « Macbeth » de l'année suivante . Tous deux sont des killers, Odabella, sa prisonnière, a dans la voix les terribles vocalises de Lady Macbeth (elle ouvre l'opéra par une aria avec cabalette dans la pure tradition du bel canto romantique), le final du premier acte où Attila vient comme Macbeth d'avoir l'apparition d'un spectre, ici celui de saint Léon, lui dictant la conduite à tenir, rappelle irrésistiblement la scène du banquet dans Macbeth.
Malgré cela, « Attila » est vraiment unique, sa singularité résidant dans une grande concision et une forte efficacité dramatique, rares dans ces uvres du jeune Verdi. Vocalement, il est aussi exigeant que bon nombre des opus verdiens : une basse et un soprano de grande tessiture et, au tempérament dramatique, un ténor et un baryton ayant aussi leurs morceaux de bravoure.
A deux reprises, Attila a été enregistré en studio. On ne recherchera pas au disque officiel cette flamme que n'apportent ni Lamberto Gardelli en 1972 avec Ruggero Raimondi, Cristina Deutekom, Carlo Bergonzi et Sherrill Milnes (Philips,) ni Riccardo Muti en 1989 avec Samuel Ramey, Cheryl Studer, Giorgio Zancanaro et Neil Schicoff (EMI), versions sages et respectables. On cherchera plutôt la vérité dramatique d'Attila dans un live, l'enregistrement d'un soir de mai 1975 qui réunissait dans les ors de La Scala de Milan un excellent quatuor vocal avec Nicolai Ghiaurov et Rita Orlandi Malaspina (leurs fans dans la salle se déchirent après chaque air la suprématie de leurs idoles respectives !), Pietro Cappuccilli et Veriano Luchetti (Myto Records). On est vraiment au théâtre et on sent clairement que le drame naît de l'expression des interprètes et du feu sacré qui vient de la fosse. Car au théâtre lyrique, avec de bons interprètes, il est souvent vain d'en vouloir faire trop !
Comment la chanteuse et comédienne récemment passée à la mise en scène théâtrale et la réalisatrice des célèbres séries télévisées se tireront-elles de leur première confrontation avec les dures réalités du théâtre lyrique ? Réponse le 21 septembre, sur la scène bastillane !
Opéra de Paris-Bastille (08.36.69.78.68) les 21, 24, 27, 29 septembre, 2, 5, 9 et 11 octobre à 19 h 30 ; le 14 octobre à 15 heures.
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