QU’IL EST LOIN le temps où le ministre en charge des comptes sociaux commentait l’évolution des dépenses d’assurance-maladie une ou deux fois par an seulement, à l’occasion de grand-messes programmées (présentation des grandes lignes du Plfss, réunion de la commission des comptes de la Sécurité sociale).
Désormais, c’est un ministre de la Santé, les yeux rivés sur la courbe des dépenses mensuelles, qui doit composer avec les «avis» et autres «prévisions» périodiquesde comités d’alerte ou de suivi qui lui imposent une politique beaucoup plus réactive placée sous le signe du principe de précaution.
C’est précisément ce qui vient de se passer avec l’annonce de mesures ciblées sur les cliniques et le médicament. Comment en est-on arrivé à ce miniplan d’urgence (350 millions d’euros quand même), qui provoque un tollé dans les deux secteurs concernés ?
Vigilance.
L’étincelle a été allumée le 31 mai dernier avec l’avis du fameux «comité d’alerte» mis en place par la loi du 13 août 2004 sur la réforme de l’assurance-maladie. Cette instance où siègent trois experts indépendants (1) a été créée sous la pression de députés qui ne supportaient plus de voter chaque année une enveloppe (jamais respectée) sans clignotant intermédiaire. Ce comité est chargé de mettre en garde le Parlement, le gouvernement et les caisses en cas de «risque sérieux» de dépassement de l’Ondam supérieur à 0,75 % (taux fixé par décret qui correspondrait aujourd’hui à un dérapage d’un milliard d’euros). Il rend son «avis» sur le respectde l’Ondam en cours au plus tard le 1er juin, mais également «en tant que de besoin». Si l’alerte est déclenchée, les caisses doivent proposer un plan de redressement dans un délai maximal d’un mois.
Avec le comité d’alerte qui peut faire appel aux experts de son choix, la réforme a placé une épée de Damoclès au-dessus du ministre de la Santé (et du directeur de la Cnam). Car il est évident qu’une procédure d’alerte serait lourde de conséquences. Les adversaires du gouvernement disposeraient d’un argument imparable pour expliquer que la réforme est en train d’échouer puisque le fil des comptes n’est pas tenu.
Or le coup n’est pas passé loin le 31 mai dernier. Sans déclencher l’alerte sur les dépenses 2006, le comité a souligné dans son avis un risque de dépassement «de l’ordre de 600millions d’euros» (soit 0,4 point). Le comité insistait sur les «retards» dans l’application de mesures sur le médicament, s’inquiétait de l’augmentation des versements aux cliniques et exigeait «la plus grande vigilance» dans le suivi des établissements.
Trois mois après ce coup de semonce, c’est un autre organisme, le «comité de suivi» de l’Ondam, qui a augmenté la pression d’un cran. Réuni régulièrement sous l’autorité de Xavier Bertrand, ce comité de pilotage des objectifs (où l’on retrouve les directeurs de la Sécu, des hôpitaux et de la santé ainsi que le président du comité économique du médicament et le directeur général de l’assurance-maladie) aconstaté, selon les termes du ministère, «une progression au-delà des objectifs de dépenses des établissements de santé privés»,et a confirmé les risques de dérapage liés aux retards de mesures sur le médicament.
Ce deuxième avertissement a convaincu Xavier Bertrand de prendre les devants, quitte à donner le sentiment d’un rapiéçage comptable. Habile, le ministre a expliqué qu’il souhaitait «garantir le redressement» des comptes «sans que cela implique de nouveaux efforts pour les assurés».
Quoi qu’il en soit, le suivi régulier des objectifs de dépenses pour chaque secteur de soins et la possibilité d’imposer des mesures de redressement à effet immédiat (baisses de tarifs, y compris en médecine libérale) poussent le ministre et le directeur de l’assurance-maladie à appliquer une politique du coup par coup pour parer la menace d’une alerte. Avec la volonté affichée de «tenir le cap» en corrigeant à temps les dérives.
(1) Il est composé du secrétaire général de la commission des comptes de la Sécu, du directeur général de l’Insee et du directeur de l’Institut de conjoncture Rexecode.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature