« C'EST LA PREMIÈRE fois qu'un traitement complexe contre une infection chronique est introduit à une échelle aussi importante dans le monde en développement. Les problèmes que pose la fourniture de soins sur la durée dans les milieux manquant de ressources sont considérables, et nous le savions. Mais chaque jour nous montre que ce type de soins peut et doit être dispensé », affirme le Dr Lee Jong-wook, directeur général de l'OMS. Si la preuve de la pertinence et de l'efficacité de l'accès aux traitements antirétroviraux dans les pays en voie de développement n'est plus à faire, tant la prise de conscience semble unanime, sa mise en œuvre n'est pas simple. L'objectif des « 3 millions d'ici à 2005 », entériné par les 192 Etats membres de l'OMS, ne devait être qu'une étape intermédiaire vers la réalisation de l'accès universel pour toutes les personnes touchées par le VIH qui en ont besoin. Il est loin d'être atteint et les obstacles subsistent.
Un nouveau rapport publié par l'OMS et l'Onusida dresse un bilan d'étape avant la conférence sur les objectifs du Millénaire les 14 et 15 septembre prochains.
Une accélération dans les six derniers mois.
En juin 2005, il est établi qu'environ un million de personnes bénéficient d'un traitement antirétroviral, soit deux fois plus qu'en décembre 2003 (400 000 personnes). Le point positif de ce bilan est que toutes les régions sont concernées, avec une accélération nette du nombre de personnes traitées au cours des six derniers mois. En Afrique subsaharienne, la région la plus durement touchée par le VIH, 500 000 personnes sont sous ARV, soit trois fois plus qu'il y a un an et deux fois plus qu'il y a six mois. Même constat en Asie, avec 150 000 personnes traitées, soit trois fois plus qu'en juin 2004 et plus de 50 % d'augmentation au cours des six derniers mois.
« Le mouvement visant à élargir l'accès au traitement progresse de façon remarquable », souligne le Dr Lee, mais les progrès d'ensemble ont peu de chances d'être suffisamment rapides pour que l'objectif des 3 millions puisse être atteint d'ici à la fin de l'année.
Le rapport formule une série de recommandations qui visent à accroître encore les progrès, notamment en adoptant des méthodes thérapeutiques simplifiées et normalisées. L'expérience acquise avec le traitement du premier million de personnes a permis de jeter les bases d'une extension accélérée pour atteindre l'accès universel d'ici à 2010. « Au cours des 18 mois, nous avons beaucoup appris, note le Dr Jim Yong Kim, directeur du département VIH/sida de l'OMS. Nos principales préoccupations demeurent l'offre de médicaments à des prix plus abordables et un accès accru aux nouveaux médicaments grâce aux flexibilités autorisées par l'accord sur les Adpic*. Reste que nous savons désormais avec certitude qu'il est possible de dispenser ce traitement dans les pays en développement de façon efficace et à un coût de plus en plus abordable. Nous avons également constaté dans tous les cas que la clé du succès réside dans un savant dosage d'appui politique, technique et financier, investi de façon à renforcer les capacités globales de prestation de services de santé essentiels. »
Cinq règles.
Pour accroître le rythme d'élargissement de l'accès, les recommandations s'établissent autour de cinq points.
- L'engagement politique : l'OMS et l'Onusida demandent aux pays qui n'ont pas encore de plans nationaux de le faire le plus rapidement possible (40 des 49 pays cibles ont déjà établis des objectifs pour l'accès).
- Des approches normalisées et des moyens accrus : les pays qui réalisent les progrès les plus importants sont ceux qui ont adopté des schémas thérapeutiques normalisés et des procédures de surveillance clinique et ont formé des agents de santé non médecins pour administrer les ARV. Ces pays ont su également gérer les problèmes d'achat et de gestion de la chaîne d'approvisionnement.
- Le soutien technique : les organismes d'assistance technique doivent mieux coordonner les actions entre eux et avec les donateurs. L'OMS utilise désormais un nouveau logiciel de cartographie pour aider les pays à recenser les besoins les plus grands pour toute une gamme de services de santé, afin de mieux cibler l'utilisation des ressources disponibles.
- Un financement durable : les 27 milliards de dollars engagés par les donateurs pour les trois prochaines années en faveur de la prévention, des soins et du traitement n'ont pas été concrétisés. Le déficit projeté s'élève à 18 milliards pour la période 2005-2007. L'OMS et l'Onusida souhaiteraient que le décaissement des fonds soit accéléré, que les engagements soient pris sur le long terme. L'annulation de la dette annoncée par le G8 devrait permettre aux pays en développement de réaffecter des ressources au VIH/sida.
- Lier traitement et prévention : l'OMS et l'Onusida recommandent aux pays de prendre des mesures pour intégrer le traitement du VIH au dépistage et à la prévention, y compris en utilisant les mêmes dispensaires et en formant les agents de santé qui administrent le traitement et font de la prévention. « En augmentant l'offre de traitement, on voit augmenter aussi le nombre de personnes ayant accès aux services de prévention essentiels tels que le dépistage et le conseil : c'est l'une des principales conclusions de ce nouveau rapport », s'est réjoui le Dr Peter Piot, directeur exécutif de l'Onusida.
* Accords sur les aspects du droit de la propriété intellectuelle touchant au commerce.
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