LA VISION d'un monde où « l'enfance est faite d'amour, de soins et de protection, dans un milieu familial qui offre les meilleures chances de survie, de croissance, de développement et de participation » était celle que promettait à l'humanité la Convention relative aux droits de l'enfant en 1989. Mais ce programme irénique, bien qu'il ait été ratifié par tous les Etats membres de l'ONU (exception faite pour deux d'entre eux seulement), la convention la plus largement adoptée dans toute l'histoire, est dénoncée aujourd'hui par la réalité. Certes, depuis quinze ans, note sous le titre « L'enfance en péril », le rapport annuel de l'Unicef, l'organisation onusienne en charge des enfants, des progrès importants ont été accomplis dans la réalisation des droits des enfants à la survie, à la santé et à l'éducation, tant sur le plan de la fourniture des biens et services essentiels que sur celui de la prise de conscience de la nécessité de créer un environnement protecteur pour défendre les enfants contre l'exploitation, la maltraitante et la violence. Or ces progrès, dans plusieurs régions et pays, risquent d'être anéantis par trois grandes menaces : la pauvreté, les conflits armés et le VIH/sida. Et 1 milliard d'enfants, soit un enfant sur deux, sont directement concernés par ce renversement de tendance.
Cela se traduit par une arithmétique d'ores et déjà ravageuse : 640 millions d'enfants n'ont pas de logement adéquat, 500 millions pas d'accès à des installations sanitaires, 270 millions ne bénéficient pas de soins de santé, 140 millions n'ont jamais vu ce que c'est qu'une école. Et 90 millions souffrent de graves privations alimentaires.
Le rapport analyse les menaces une à une. En tête, la pauvreté ; dans les pays en développement, c'est plus de la moitié des enfants qui sont privés des biens et des services de base. Les enfants des 20 % de familles les plus pauvres risquent deux fois plus d'y mourir avant l'âge de cinq ans que ceux qui vivent dans les 20 % de familles les plus riches.
Les formes d'exploitation sont diverses : 180 millions d'enfants sont mis au travail « dans les pires conditions » ; 1,2 million sont victimes de la traite et 2 millions sont « exploités sexuellement à des fins commerciales ».
Les pays riches ne sont pas exempts du phénomène des enfants pauvres : en 2000, seules la Finlande, la Norvège et la Suède avaient des taux de pauvreté des enfants inférieurs à 5 %.
Les enfants sont encore parmi les premiers à être victimes des conflits armés. Même quand ils ne sont pas tués ou blessés, ils peuvent devenir orphelins, être enlevés, et, le plus souvent, ils sont traumatisés par les actes de violence dont ils ont été les témoins, ainsi que par les déplacements forcés qu'ils ont endurés. En dernier lieu, les événements du Darfour (Soudan) confirment que le monde n'est toujours pas capable d'offrir aux enfants la protection contre les conflits à laquelle ils ont droit. Au 15 octobre, plus de 1,2 million de Soudanais vivaient dans des camps où les enfants sont affaiblis par le manque de nourriture, d'eau salubre et d'installations sanitaires. Au cours des quinze dernières années, ce sont 59 conflits armés importants qui ont été recensés, avec une augmentation notable des conflits ethniques internes ; les civils en sont les principales victimes (90 % des morts), et, parmi eux, 80 % sont des femmes et des enfants.
2,1 millions d'enfants contaminés par le VIH.
Et c'est souvent dans ces pays pauvres et en proie aux guerres que le VIH/sida se propage le plus. En 2003, quelque 2,1 millions d'enfants de moins de 15 ans étaient contaminés, la plupart ayant été infectés pendant la grossesse, l'accouchement ou l'allaitement. La même année, 630 000 enfants contractaient le VIH. Au Botswana, au Zimbabwe et au Swaziland, des pays dont les taux de prévalence du VIH comptent parmi les plus élevés, l'augmentation du taux de mortalité des enfants, entre 1990 et 2002, a été respectivement la deuxième, la troisième et la quatrième la plus importante au monde. Mondialement, la moyenne des décès d'enfants dus au sida atteint 4 %.
L'Unicef estime cependant que c'est par l'augmentation du nombre des orphelins que la maladie se manifeste le plus nettement : en 2001, les enfants qui avaient perdu soit un parent, soit les deux, en raison de l'épidémie étaient 11,5 millions, ils étaient 15 millions en 2003, dont 80 % vivent en Afrique subsaharienne. Ces enfants orphelins vont évidemment moins à l'école, ils sont victimes d'exploitations abusives dans l'agriculture, comme employés de maison, vendeurs ambulants, ou « travailleurs du sexe ». Une enquête réalisée en Zambie rapporte que près de la moitié des enfants prostitués avaient perdu leurs deux parents et un quart d'entre eux l'un des deux.
« Trop de gouvernements prennent délibérément et en toute connaissance de cause des décisions qui, en pratique, portent préjudice à l'enfance », accuse Carol Bellamy, directrice générale de l'Unicef. Et comme le souligne Kofi Annan, secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, « laisser l'enfance ainsi en péril, c'est compromettre l'avenir de tous. (...) Ce n'est qu'en progressant vers la réalisation des droits de tous les enfants que les nations se rapprocheront de leurs objectifs et développeront la paix. » Le chemin existe, rappelle le rapport. Il passe par l'accroissement des investissements des donateurs et des gouvernements, l'engagement des particuliers et des entreprises à se mobiliser, l'adoption dans tous les domaines du développement des politiques équitables et l'approche du développement fondée sur les droits de l'homme : autant de points qui figurent depuis quinze ans dans la Convention sur les droits de l'enfant.
Pour lire le rapport complet sur la situation des enfants dans le monde : www.Unicef.org.
Cinq millions de victimes de la malnutrition
La faim et la malnutrition dans le monde provoquent la mort de plus de cinq millions d'enfants chaque année, affirme l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). En 2000-2002, 852 millions de personnes étaient sous-alimentées, dont 815 millions dans les pays en développement, 28 millions dans les pays en transition et neuf millions dans les pays industrialisés.
A l'échelle planétaire, a calculé la FAO, le front de la faim, par les décès et les invalidités qu'il provoque, coûte aux pays en développement la somme de 500 milliards de dollars, du fait des pertes de productivité correspondantes. Or, cette situation est d'autant plus inacceptable qu'il suffirait d'investissements relativement modestes pour y remédier : un dollar investi dans la lutte contre la faim rapporte de 5 à 20 fois sa valeur en développement futur.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature