UNE PREPARATION à base de petits ARN interférents permet, au moins chez la souris, d'obtenir une protection efficace et durable contre l'infection par le virus herpès simplex 2 (VHS2).
Les petits ARN interférents (ARNsi) sont des molécules d'acide ribonucléique qui ont la capacité de bloquer l'expression de gènes ciblés, par exemple celle de gènes essentiels à la réplication virale. Depuis leur découverte, de nombreuses équipes ont tenté d'utiliser ces petites molécules à des fins thérapeutiques. Malheureusement, ces expériences se sont le plus souvent soldées par des résultats peu convaincants. Ces échecs sont principalement liés à la faible efficacité des méthodes qui permettent d'introduire les ARNsi dans les cellules à traiter.
Palliser et coll. (école de médecine de Harvard) ont contourné cet obstacle en travaillant dans un système particulier, celui des cellules épithéliales de la muqueuse vaginale. Coup de chance, ces cellules semblent extrêmement réceptives aux ARNsi.
Deux gènes essentiels du VHS2, UL27 et UL29.
Les chercheurs américains ont testé l'effet antiviral d'une petite dizaine ARNsi ciblant deux gènes essentiels du VHS2, les gènes UL27 et UL29 qui codent respectivement pour une glycoprotéine de l'enveloppe virale et une protéine se fixant à l'ADN.
Des essais préliminaires conduits in vitro leur avaient permis de sélectionner les deux ARNsi présentant la plus forte activité antivirale.
Le pouvoir microbicide de ces deux molécules a ensuite été évalué in vivo chez la souris. Les ARNsi ont été complexés à des lipides qui facilitent leur entrée dans les cellules de mammifères et les préparations obtenues ont été instillées dans le vagin de souris préalablement traitées à la médroxyprogestérone (pour ralentir le renouvellement des cellules de leur épithélium vaginal). Toujours par voie vaginale, les animaux ont ensuite reçu une dose létale de VHS2 (correspondant à deux fois la DL50).
Alors que 75 % des animaux contrôles non traités n'ont pas survécu à cette expérience, les trois quarts des souris traitées par l'ARNsi dirigé contre UL29 et 60 % de celles traitées avec l'ARNsi UL27 étaient toujours en vie plus de dix jours après leur contact avec la dose létale de virus.
Une analyse conduite au sixième jour de l'expérience a montré que les muqueuses vaginales des souris traitées était débarrassées du virus chez 70 % des rongeurs traités par UL29 et chez 50 % de ceux traités par UL27. Au neuvième jour, les ARNsi étaient toujours présents et actifs dans les cellules traitées.
Pratiquement aucune cellule inflammatoire.
Il a été observé dans différents systèmes que les ARNi sont susceptibles d'induire la voie des interférons et de provoquer des réactions inflammatoires. Mais, dans le système de Palliser et coll., cet effet n'est pas observé. L'épithélium vaginal des souris traitées ne présente pratiquement aucune cellule inflammatoire et très peu de corps apoptotiques.
Les scientifiques américains ont également recherché un effet thérapeutique des ARNsi. Dans ce dessein, ils ont réalisé les instillations vaginales d'ARNsi après avoir inoculé le VHS2 aux animaux. Cette expérience leur a permis de constater que l'administration d'un seul ARNsi ne suffit pas à traiter les souris infectées. En revanche, cinq des six souris qui ont reçu une préparation contenant à la fois l'ARNsi UL29 et l'ARNsi UL27 ont survécu à l'infection.
Ces résultats sont très encourageants. Ils laissent imaginer que les ARNsi pourraient constituer une nouvelle solution préventive et thérapeutique contre les infections virales sexuellement transmissibles et les infections parasitaires. D'autant plus que ces expériences préliminaires ont été conduites sans chercher à optimiser l'efficacité d'inhibition de l'expression des gènes viraux ciblés par les ARNsi et sans incorporer de modifications chimiques qui augmentent la résistance des molécules ribonucléiques aux enzymes des cellules à traiter.
Cependant, deux inconnues restent à tester : l'effet du cycle menstruel sur l'efficacité et la persistance des ARNsi, d'une part, et l'importance du risque d'apparition de mutations qui permettraient au virus d'échapper au traitement, d'autre part.
Palliser et coll. concluent leur article en insistant sur le fait que l'utilisation des ARNsi dans le cadre de la prévention et du traitement des infections par le VHS2 présente un intérêt non négligeable : son faible coût. Si les résultats obtenus chez la souris sont transposables à l'humain, une dose protectrice ou curative d'ARNsi devrait coûter environ 8 dollars, un prix réaliste.
Palliser et coll., « Nature », édition en ligne avancée.
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