EN JUIN 1956, quand Raymond Debenedetti prend la responsabilité du service de santé des armées, il est enrôlé de fait dans la politique du gouvernement français, qui est de mettre fin aux « troubles », dans ce que personne ne veut encore appeler une guerre. Le mandat du médecin général-inspecteur s'étend jusqu'en 1961 et couvre donc la période la plus noire de cette guerre qui a consacré le divorce douloureux entre la France et le fleuron de son empire colonial.
Debenedetti devra rapidement faire ses preuves, notamment après l'assassinat par les combattants nationalistes, le 14 avril 1957, du Dr Alexandre Brechet. Son passé de résistant va l'y aider. Né en 1901, cet assistant en bactériologie à la faculté de médecine de Nancy s'est engagé dans la lutte secrète sous l'Occupation et a assuré la fonction de responsable sanitaire de la Résistance en Auvergne. Il fuit ensuite vers l'Algérie pour rejoindre le Cfln (Comité français de la libération national), créé à Alger en 1943, et le général de Gaulle le nomme directeur du service de santé des Armées le 4 septembre 1944. Cette expérience lui apprend les réalités du terrain, qui, à partir de 1956, vont se révéler de plus en plus difficiles pour l'armée française.
Evacuer les blessés.
Il s'emploie à réorganiser le système d'évacuation des blessés vers la métropole, qui ne fonctionne jusqu'alors que par la mer. Il met en place un système d'évacuation aérienne très logique : l'Ile-de-France est désormais le centre, depuis lequel les services sont redistribués vers les villes de province. Il doit aussi améliorer le service de santé opérationnel puisque les combats ne cessent de s'intensifier. Ce service est composé d'environ 10 000 hommes, dont 1 500 médecins, et est organisé autour de dix-sept « éléments de santé », des structures évolutives et adaptables grâce à des détachements sanitaires. La majorité des missions de ce service sont aériennes. Dans un souci d'efficacité, le médecin général-inspecteur réorganise aussi les missions d'évacuation sur le terrain. Il prend exemple sur les évacuations réalisées pendant la guerre d'Indochine, ce qui lui vaudra quelques déboires à cause des importantes variations d'altitude, qui entraînent des problèmes de pression, pour les malades et pour l'équipement.
Attentif à l'infrastructure hospitalière, il visite 26 hôpitaux entre 1956 et 1959. Il pose beaucoup de questions au cours de ces visites, et ses secrétaires ont l'obligation de tout noter. De nombreux directeurs du service de santé le rencontrent, mais Debenedetti tient à se rendre compte par lui-même de la situation. D'aucuns lui reprochent d'avoir trop peu délégué, mais il fait surtout confiance à sa mémoire pour vérifier si ses directives ont bien été suivies.
De 12 à 21 hôpitaux militaires.
L'augmentation constante du nombre des blessés l'oblige à adapter le service de santé en conséquence : en 1954, on comptait 12 hôpitaux militaires en Algérie ; en 1961, il y en a vingt et un. La capacité hospitalière atteint 8 700 lits, ce chiffre prenant en compte les hôpitaux non militaires (40 hôpitaux). De plus, Debenedetti est à l'origine de la création de nombreux services, dont plusieurs en ophtalmologie et en stomatologie.
Sur le plan de la santé publique, le médecin général-inspecteur accorde une importance toute particulière aux jeunes médecins, pour qu'ils continuent à entretenir le contact avec les populations. Ainsi, 15 millions de visites médicales sont effectuées en 1960 contre 4 millions en 1957-1958.
Malgré les nombreuses accusations lancées aujourd'hui contre l'armée française de l'époque, on peut dire que de nombreux médecins militaires et, parmi eux, dans une certaine mesure, le médecin général-inspecteur Raymond Debenedetti, ont continué à exercer la médecine dans sa dimension humanitaire.
* La Société française d'histoire de la médecine, fondée en 1902, est ouverte aux professions de santé, aux spécialistes des sciences humaines, aux historiens et à toute personne intéressée par l'histoire de la médecine. Candidatures (deux parrains sont nécessaires) et souscriptions d'abonnements à la revue à adresser au Dr Jean-Jacques Ferrandis, secrétaire général de la Sfhm, 6, rue des Impressionnistes, 91210 Draveil, cotisation 30 euros, abonnement 69 euros.
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