Depuis le 1er février, le Dr Nordine Benameur est détaché du SAMU de Lille pour diriger les grandes manuvres urgentistes autour du troisième événement sportif de la planète que sont les Championnats du monde d'athlétisme (après les jeux Olympiques et le Mondial de football). Un CDD décroché après un appel d'offres sur un cahier des charges très ouvert : tout pouvoir pour mettre en place le dispositif médical et les stratégies appropriées concernant les accrédités, les athlètes et les spectateurs présents durant les neuf jours de l'épreuve et les jours qui précèdent, pour les entraînements. Au Stade de France (SDF) comme au village des athlètes (la Cité internationale universitaire, porte d'Orléans à Paris) et sur les stades Charlety, Auguste-Delaune, Jules-Ladoumègue ainsi qu'à l'INSEP.
En six mois et demi, à raison de journées de quinze heures de travail non stop, ponctuées par la navette entre Paris et Lille (où sa femme Laurence, également médecin SAMU, s'occupe de leurs trois enfants), le Dr Benameur court un marathon de l'organisation. Ça tombe bien : il est lui-même marathonien et, selon sa propre expression, « obsessionnel de l'organisation ». Comme il dit en pianotant sur son Palm, « il faut planifier le maximum de paramètres de manière que, tous les problèmes prévisibles ayant fait l'objet d'une procédure bien définie, on puisse être disponible à 100 %, le moment venu, pour faire face à l'imprévu ».
Médecins du sport et médecins d'urgence semblent fin prêts. Pour encadrer les premiers, le Dr Benameur a mis à contribution son adjoint, Béchir Boudjemaa, autre Lillois, président de la commission médicale de la Fédération française d'athlétisme, médecin du sport libéral. C'est lui qui coordonnera les interventions des médecins, kinésithérapeutes et podologues pour prodiguer des soins en traumatologie du sport, mais aussi en « massothérapie » ou en chiropraxie.
Pour la médecine d'urgence, les urgentistes réanimateurs préhospitaliers, infirmiers et permanenciers seront sur le pied de guerre sur les différents sites ; les secouristes (Croix-Rouge française et Protection civile), le plus souvent appelés à intervenir les premiers, seront répartis stratégiquement autour des stades en fonction de leurs compétences.
En tout, la chaîne médicale impliquera 228 personnes, dont 135 pour le seul SDF : 30 médecins (12 urgentistes et 18 médecins du sport), 8 infirmiers, 45 kinésithérapeutes, 6 podologues, 7 assistants médicaux et 124 secouristes.
L'aire de compétitions sera médicalisée avec deux médecins du sport, deux kinésithérapeutes, un podologue, un médecin réanimateur préhospitalier et un infirmier anesthésiste. Ces équipes collaboreront avec quatre groupes de quatre secouristes également présents sur l'aire de compétition : un maillage aussi serré que possible.
Au chapitre des infrastructures, une salle de régulation médicalisée sera installée au poste de surveillance du SDF ; un médecin et deux assistants médicaux y seront en contact radio et téléphone constants avec l'ensemble des personnels de soins, en particulier les stadiers répartis dans l'enceinte, chargés de donner l'alerte. Deux infirmeries sont prévues, équipées en urgence préhospitalière, avec salle de déchocage et défibrillateur ; l'une traitera les spectateurs, la seconde sera dédiée aux athlètes.
A la Cité internationale universitaire de Paris (CIUP), un centre médical doté également d'une salle de régulation fonctionnera de 8 heures à 21 heures, avec un médecin manager et une équipe complète (omnipraticiens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, podologues, secouristes).
Les réseaux d'aval
Quant aux stades d'entraînement, ils bénéficieront tous d'un dispositif médical propre.
Voilà pour l'ossature urgentiste dessinée par Nordine Benameur. Non moins délicate à mettre au point, l'interface avec ce qu'il appelle « les réseaux d'aval ». En d'autres termes, l'art d'emboîter, avec le maximum de souplesse, le dispositif médical de Paris 2003 à l'intérieur de la carte sanitaire d'Ile-de-France : la collaboration avec les SAMU (Bobigny et Paris) et la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) permettront de relayer les interventions des équipes médicales des Championnats du monde.
Des conventions ont par ailleurs été passées avec des établissements hospitaliers (la Pitié, Saint-Joseph, hôpital Delafontaine, à Saint-Denis, ou encore la Clinique générale des sports). Publics ou privés, des services de pointe y seront en alerte.
Bien entendu, le plan rouge a été passé au crible, pour réagir à toute catastrophe majeure (terrorisme, bioterrorisme, accident chimique et autre). Avec une répétition générale au SDF le 2 juillet dernier.
Parmi tous les scénarios passés au crible, l'hypothèse d'une intoxication alimentaire collective (TIAC) n'a pas non plus été négligée, avec une mise sous surveillance de la chaîne alimentaire et de la chaîne du froid (normes qualité ISO 9002, vaisselle à usage unique, possibilité de suivre un régime végétarien ou sans porc, mais pas de menus spéciaux pour allergiques).
Pour le SRAS, des réunions ont bien sûr été organisées, chaque mois depuis avril, avec adoption de procédures validées par l'Institut national de veille sanitaire. Mais la pression est retombée.
Le plan médical entrera dans sa phase opérationnelle dans un mois. « Tous les sujets ont été bétonnés », estime le Dr Benameur. Ce qui n'empêche pas l'urgentiste de consulter inlassablement son Palm. « La liste des opérations à faire se remplit au fur et à mesure qu'elle se vide », constate-t-il, avec un sourire où le plaisir l'emporte sur la lassitude. Le meilleur reste à venir, sous les yeux de quatre milliards de téléspectateurs (audience cumulée !).
* Informations 24 h/24 au 0.892.69.2003 (0,34 euro/min). Réservation : 0.892.68.78.78 (0,34 euro/min). Site Internet : www.paris2003saintdenis.org. Les billets sont aussi mis en vente auprès des enseignes Auchan, Carrefour, FNAC, Géant, Leclerc, Virgin.
Boire pendant l'effort, mais à sa soif
Les athlètes doivent-ils boire pendant l'effort et si oui, quelle quantité de liquide faut-il leur conseiller ? La mort d'une athlète lors du marathon de Boston 2002 a réveillé un débat vieux de plusieurs années. La cause du décès ? Une encéphalopathie hyponatrémique provoquée par l'ingestion excessive de liquides (environ 15 litres en 5 à 6 heures). A l'arrivée, son poids corporel était supérieur à son poids de départ. Il n'était constaté ni déficit en sodium ni sécrétion inappropriée d'hormone antidiurétique.
Plus de 250 cas de ce genre avaient déjà été décrits dans la littérature, dont au moins 7 mortels, la plupart chez des athlètes de l'armée américaine.
Il faut dire que depuis la publication, en 1969, d'un article de Wyndham et col., il est généralement admis qu'il faut boire le plus possible avant et pendant l'effort pour compenser intégralement la perte de poids. Il est aussi conseillé de ne pas attendre la sensation de soif, car cela conduit à sous-estimer les besoins réels en eau. « Toutes ces affirmations n'ont jamais été prouvées scientifiquement », affirme Timothy David Noakes dans le « British Medical Journal » (19 juillet) et ont beaucoup été relayées par les fabricants de boissons énergétiques.
De nouvelles recommandations ont récemment été adoptées par l'USA Track & Field (l'organisation américaine d'athlétisme). Elles conseillent un apport moyen de 400 ml à 800 ml par heure. Ces quantités pourront être diminuées en cas de pratique peu intensive et augmentées pour les athlètes de haut niveau ou en cas de chaleur. Surtout, les sportifs devront être prévenus qu'une consommation excessive de liquides peut avoir des conséquences graves. L'attitude la plus sûre et la plus efficace consiste à se laisser guider par sa sensation de soif.
Dr L. A.
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