Sommés, en 2007, de retrouver un équilibre budgétaire en 2012, il a été difficile aux établissements de santé de laisser les ressources humaines intactes, même si la fonction publique hospitalière n’était pas en théorie concernée par la règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Le nombre d’agents augmente d’ailleurs globalement, rappelle le ministère de la Santé : +1 % par an pour les personnels non médicaux et +6,8 % pour les personnels soignants en l’espace de trois ans, avec une progression salariale de l’ordre de 2 % pour les non médicaux et de 6 % pour les médicaux. Mais en cinq ans, les conditions de travail sont, pour beaucoup, devenues « intenables ». C’est principalement là que le bât blesse.
Sauver le travail d’équipe
« Les séjours de plus en plus courts à l’hôpital ont concentré les soins et intensifié les cadences de travail, tandis que la T2A oublie le relationnel pour ne valoriser que les actes », avance Jean-Marie Sala, secrétaire général de la fédération Sud-santé-sociaux. Nathalie Depoire, présidente de la Coordination nationale des infirmiers (CNI), souligne de son côté les effets délétères de l’absentéisme, devenu endémique : « On rappelle les gens le week-end, alors qu’ils n’étaient pas de garde et ils n’arrivent plus ni à se reposer, ni à concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. En outre, les étudiants n’ont plus de tuteurs, ce qui les démotive. » Tous deux pointent un mal-être et une perte de sens au sein des métiers de soignants.
Les médecins partagent une certaine inquiétude : « La vertu de l’hôpital et le travail d’équipe sont en train de se disloquer. L’objectif prioritaire de rétablir les comptes anesthésie toute motivation. Or, il n’y a pas de désamour des jeunes générations pour l’hôpital. En revanche, les jeunes médecins sont très attentifs aux conditions de travail », relève le Dr Jean-Pierre Esterni, secrétaire général du Snam-HP (Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes, biologistes et pharmaciens des hôpitaux publics). D’autres difficultés sont catégorielles : l’octroi du statut de catégorie A aux infirmières leur a supprimé le droit de partir à la retraite à 55 ans, pour cause de pénibilité, tandis que les agents de catégories C ont été oubliés par la revalorisation. Les infirmiers et aides-soignants rencontrent en outre des difficultés de reclassement, alors que les secrétaires médicales souffrent d’un manque de reconnaissance.
Et maintenant ?
« Je sais les conditions de travail dans lesquelles vous travaillez. » Sans rien dévoiler de la future politique de Santé, Marisol Touraine s’est néanmoins engagée, le 21 mai dernier lors du salon Hôpital Expo, à travailler sur les métiers, les qualifications et les évolutions de carrière, affirmant que « le dialogue social doit retrouver la place qu’il n’aurait jamais dû perdre ». Du côté des syndicats, on respire sans toutefois accorder de blanc-seing : « Le discours de Marisol Touraine ouvre une perspective de dialogue social et d’écoute. Tout est à faire, c’est un chantier d’envergure et nous attendons des actes », résume Nathalie Depoire. Le Dr Esterni estime de son côté que la loi HPST peut offrir des solutions, en poussant sa logique jusqu’au bout : « Il faut donner plus de pouvoirs aux pôles et aux chefs de pôles pour qu’ils soient en capacité de mener des projets et de manager leurs équipes. » Un point de vue que les syndicats de salariés sont cependant loin de partager.
Pour favoriser la mobilité interprofessionnelle, le ministère de la Santé a également mis en place une convention et entend encourager les parcours qualifiants. Depuis un an, de concert avec la Haute Autorité de santé, le ministère a engagé un vaste chantier sur la qualité de vie au travail au sein de l’hôpital. Il prend aujourd’hui un nouveau tournant avec l’installation du Conseil supérieur de la fonction hospitalière : au travers des agences régionales de santé, il s’agit en effet de promouvoir les bonnes pratiques issues des établissements. Autant de pistes qui tendent à montrer que, sur le fond, tous les acteurs ont dépassé la seule question des effectifs.
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