A la suite de l'ingestion de 60 pintes de bière

Un mal de tête qui dure depuis un mois

Publié le 18/10/2007
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L'HOMME n'a pas d'antécédent de traumatisme crânien ni de perte de connaissance. Il ne souffre pas d'autre pathologie.

L'examen systématique ne révèle rien, sauf la présence d'hémorragies rétiniennes au fond d'oeil. La conscience est normale, la TA aussi, il n'a pas de fièvre.

L'avis d'un ophtalmologiste est requis. Le patient décrit ses problèmes visuels comme des épisodes où les objets semblent «faire des vagues». L'acuité visuelle est préservée à 6/5 à chaque oeil et il n'y a pas d'anomalies pupillaires. En revanche, le champ visuel est rétréci, avec des tâches aveugles.

Un nouveau fond d'oeil montre des « hémorragies en flammes », sous la forme de plaques, rondes, gonflées, indiquant la présence d'un oedème papillaire. Ce qui est signe d'une augmentation de la pression intracrânienne (HTIC). «En l'absence desymptômes patents pouvant expliquer la cause, nous avons suspecté une HTIC idiopathique. Et nous avons recherché les détails de l'histoire de ce patient.»

Ce dernier révèle alors que, à la suite d'une crise à la maison, il a consommé 60 pintes (environ 34 litres) de bière en quatre jours. Les symptômes ont commencé immédiatement après cette consommation compulsive. Le lendemain, il a été pris de sévères maux de tête et de vomissements, qu'il a attribués à une forte gueule de bois. Mais les symptômes ne se sont pas amendés par la suite.

Une thrombose extensive au scanner.

«L'augmentation de la pression intracrânienne, qui était apparemment en relation avec une déshydratation éthylique, a fait suspecter une thrombose du sinus veineux cérébral.»

Un scanner cérébral est réalisé en urgence. Sur les images sans contraste, il n'y a pas d'anomalies visibles. Mais sur la veinographie, on voit nettement une thrombose extensive qui va du sinus sagittal jusqu'au bulbe jugulaire.

La ponction lombaire confirme l'élévation de la pression intracrânienne. Les tests sanguins indiquent un syndrome antiphospholipides. Tous les autres résultats sanguins sont normaux, excepté une augmentation partielle du temps de céphaline activé (1,3, alors que la limite supérieure est de 1,2).

Un traitement anticoagulant prolongé est proposé au patient, qui l'accepte. Revu neuf mois plus tard, le patient est guéri de ses céphalées et de sa vision trouble. Mais un petit oedème papillaire est toujours présent ; le champ visuel conserve un rétrécissement, mais la tache aveugle est redevenue normale.

L'incidence annuelle de la thrombose du sinus veineux cérébral est aux alentours de 3 ou 4 cas par million. Cette thrombose se produit principalement chez des enfants et des jeunes adultes, touchant à 75 % les femmes chez ces derniers. Elle occasionne des infarctus veineux et une HTIC. On rencontre des crises convulsives, des troubles de la conscience et des altérations neurologiques systématisées. Quant à l'HTIC, elle provoque des nausées et des vomissements, une perte de l'acuité visuelle. Dans 20 à 40 % des cas, les symptômes d'infarctus veineux ne s'expriment pas et la TSVC peut passer inaperçue, y compris au scanner simple, s'il n'est pas accompagné d'une veinographie.

Zia Carrim et coll. « The Lancet », vol. 370, 29 septembre 2007, p. 1188.

> Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8240