REMPLACER un ligament croisé antérieur du genou reste un défi. Pourtant, chaque année, plus de 200 000 personnes vivant aux Etats-Unis présentent une rupture ligamentaire. En raison des difficultés de cicatrisation du ligament, toutes ces personnes ne sont pas systématiquement opérées et les moyens de remplacement ligamentaire restent insatisfaisants. En outre, ce type d’intervention s’accompagne de suites opératoires longues puisque la reprise de la marche ne peut pas être envisagée avant plusieurs semaines et que le temps de rééducation reste très long. C’est pour toutes ces raisons que les orthopédistes se sont orientés vers la mise au point de biomatériaux qui pourraient permettre une récupération fonctionnelle plus rapide. Idéalement, ce tissu mis en contact avec le ligament intact devra permettre une réponse cellulaire, avec colonisation et multiplication avant d’être biodégradé. En outre, il devra être doté d’une porosité particulière permettant l’interconnectivité et l’infiltration par du collagène et être le lieu de développement d’une néovascularisation ; enfin, le néoligament devra être capable de supporter les forces mécaniques auxquelles il sera soumis.
Colonisation du matériel dans des conditions physiologiques.
L’équipe du Dr James Cooper (Philadelphie), dans un premier temps, a fabriqué un biomatériau en polyL-lactide (PLLA) résorbable et a tenté de faire croître sur ce matériel des cellules prélevées sur un ligament sain. Puisqu’il existait en culture une expression phénotypique qui s’accompagnait d’une multiplication du nombre des cellules greffées, les auteurs ont conclu à la possibilité d’une colonisation du matériel dans des conditions physiologiques. Ils ont ensuite étudié les procédures de dégradation du PLLA chez l’animal. Ce processus suit globalement cinq phases : hydratation, dépolymérisation, perte de l’intégrité, absorption et élimination. Pour étudier les possibilités de remplacement in vivo, le Dr Cooper a choisi un modèle de lapins (New Zealand White) chez qui une procédure de réparation des genoux par chirurgie avait déjà été décrite, ce qui permettait de disposer d’un élément de comparaison.
Deux types de tissus ont été insérés dans des genoux de lapins chez qui, préalablement, une lésion ligamentaire avait été effectuée. Le premier néoligament inséré ne contenait pas de cellules, alors que le second avait déjà été le siège d’une culture cellulaire à partir d’une prélèvement local effectué chez le lapin. Des analyses histologiques et mécaniques ont ensuite été effectuées quatre et douze semaines après la réalisation de l’intervention. Avec ce type de chirurgie, les lapins ont pu reprendre des activités normales plus rapidement que leurs congénères opérés avec une intervention classique.
A quatre semaines, au sein du néoligament ne contenant pas de cellules, on notait la présence de collagène nouvellement synthétisé mais non organisé ; au niveau des sections sur les ligaments naturels, il existait une hypercellularité constituée de fibroblastes, de cellules mononucléées et de cellules géantes. A l’inverse, les prélèvements effectués sur le ligament ensemencé avec des cellules montraient la présence d’une capsule ligamentaire en cours de formation ainsi qu’une infiltration du tissu par des cellules associées à du collagène en cours d’organisation.
Résistance aux contraintes.
A douze semaines, le tissu formé après la mise en place du néoligament acellulaire était constitué de collagène qui, progressivement avait pris la place de la capsule fibreuse, et il existait une vascularisation locale. Le tissu ensemencé, pour sa part, était caractérisé par l’existence d’un réseau conjonctif dense, de cellules organisées et d’une capsule fibreuse dont la taille pouvait être considérée comme habituelle.
Les auteurs ont enfin testé les capacités mécaniques des ligaments ainsi obtenus. A quatre semaines ,les deux types de ligaments testés étaient moins résistants que les ligaments normaux, alors qu’à douze semaines les néoligaments obtenus à partir de biomatériau ensemencé pouvaient supporter les mêmes contraintes que les ligaments normaux.
Il reste à étudier le devenir à long terme de la pose de ce genre de biomatériau dans des séries plus grandes avant que l’on songe à tester cette technique chez l’homme.
« Proc Natl Acad Sci USA », édition avancée en ligne.
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