« MA FILLE est diabétique depuis l'âge de 3 ans. Sa maladie était invalidante mais a été gérée en toute autonomie jusqu'à l'apparition d'une maladie psychique dans les années 1990. Après aggravation des troubles psychiques (paranoïdes), puis son hospitalisation en psychiatrie, la spécialisation exclusive a entraîné un suivi diabétique très insuffisant et une hospitalisation en diabétologie a été suspendue pour cause de comportements inadaptés. »
Déprimé, atteint de pulsions destructrices, B. s'est mutilé les deux yeux. Il est aujourd'hui non-voyant. Sa tante se bat pour trouver un établissement. A. a 40ans, il est hospitalisé en milieu psychiatrique depuis plusieurs années. Une brûlure au pied négligée est à l'origine d'une ostéite. Il en est à sa quatrième opération.
Des témoignages comme ceux-ci, Claire de Diesbach en a recueillis des dizaines depuis qu'elle a lancé son appel à témoins. L'association qu'elle préside, Misha Mission handicap, rassemble des familles dont un enfant ou un proche est devenu surhandicapé, autrement dit lorsqu'à un trouble psychique reconnu - épisode dépressif, anxiété généralisée, syndromes psychotiques, psychose chronique (dont la schizophrénie) - est venu s'ajouter, par accident, maladie ou tentative de suicide, un handicap invalidant. Ces personnes surhandicapées (ainsi cataloguées par les associations qui les soutiennent) sont exclues de tous les programmes de santé mentale, explique Misha, car les familles et les lieux hospitaliers n'ont pas l'habitude de travailler ensemble. « Placer ces malades mentaux dans les mêmes structures que les handicapés profonds serait une erreur et cela, tous les établissements que nous avons visités sont unanimes à le reconnaître », explique Claire de Diesbach. Mais la maladie mentale qui les frappe les rend incapables de se plier à des obligations telles que la simple hygiène corporelle, s'ils ne sont pas sollicités. De même, lorsqu'une partie de leur corps - paralysée, donc insensible à la douleur - est blessée, ils n'ont pas l'initiative de demander les soins infirmiers nécessaires. « En outre, les personnes en fauteuil roulant ou en béquilles, ont besoin d'une rééducation et d'un minimum d'activité. Tout cela, un établissement psychiatrique normal ne peut pas le leur fournir, faute d'un personnel infirmier compétent dans ces domaines. C'est pourquoi ils se trouvent pratiquement exclus des CHS, une fois leur état mental à peu près stabilisé. Quant aux structures recevant des personnes handicapées physiques, elles ne les acceptent pas davantage car elles ne sont pas équipées pour prodiguer les soins psychiatriques restant indispensables. » Or ces malades sont généralement des adultes, à la charge de leurs parents vieillissants pour qui l'incertitude de l'avenir est une angoisse profonde.
« Pas un hôpital-usine ».
Depuis dix ans, Claire de Diesbach se démène pour trouver une structure adaptée. En regroupant des témoignages, elle avait l'intention de présenter un dossier au ministère de la Santé. Elle a finalement décidé de s'attaquer elle-même aux fondations et de créer un lieu de vie adéquat aux besoins variés de ces patients. « Nous souhaitons créer une structure familiale. Nous ne voulons pas d'hôpital-usine. Les patients doivent préserver au maximum les liens familiaux. » Chacune des personnes accueillies disposerait de son propre appartement, de ses meubles et profiterait de services communs, une salle de restauration avec possibilité de faire la cuisine, ou de recevoir des repas envoyés par les services de la mairie. Ces malades touchent généralement l'allocation tierce personne. Ils pourraient louer ces appartements ou bien leurs parents en seraient propriétaires. Une ou deux auxiliaires de vie seraient embauchées pour l'entretien du linge. Une unité de 8-10 personnes serait montée dans un premier temps, puis un deuxième. Deux lits d'accueil temporaire seraient également disponibles pour soulager les familles.
« Nous aurons absolument besoin de quelques animateurs pour les motiver selon leurs souhaits et leurs possibilités. Sculpture, peinture, cinéma, informatique, nous voulons pouvoir leur proposer des activités à la carte. Nous ferons alors appel aux centres d'animation du quartier ainsi qu'à des bénévoles formés. » Des bénévoles qui, si possible, ne seraient pas membres des familles, justement pour les aider à se séparer de leurs parents, à devenir bientôt orphelins... « Nous pensons à des retraités de la police par exemple. Ils sont souvent très psychologues », signale Claire de Diesbach, qui pense aussi à une permanence de nuit, assurée par un étudiant en médecine. Les « résidents » choisiront leur médecin, « même si cela pose des problèmes au niveau de la direction. L'important est de se placer du côté du malade ».
Collection de peaux de bananes.
Depuis sa création en 1992, Misha a participé à la sensibilisation des auxiliaires de vie aux maladies mentales en organisant des sessions avec des psychiatres, psychologues, infirmiers et des familles. « Notre but est de faire intégrer dans le récent diplôme d'auxiliaire de vie un module santé mentale, de façon à ce qu'elles se familiarisent avec l'approche de ces malades », explique la présidente. « Mon fils fait la collection de peaux de bananes »... comment gérer les crises ? « Prendre du recul, ne pas leur tourner le dos, ne pas les toucher, éteindre la radio... Nous voulons apprendre aux auxiliaires des gestes qui sont devenus pour nous instinctifs. » Misha est aujourd'hui à la recherche d'un chef de projet qui prendrait en main cette opération. Elle pourrait aussi envisager de se greffer au projet d'une association qui alors piloterait la structure. Toute personne intéressée peut se manifester.
Renseignements : Unafam, à l'attention de Misha, 101, avenue de Clichy, 75017 Paris, tél. 01.45.20.63.13, unafam-paris@wanadoo.fr.
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