Un lien entre obésité et HTA : des facteurs sécrétés par les adipocytes

Publié le 11/11/2003
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Au moins deux substances sécrétées par les adipocytes semblent être impliquées dans la production d'aldostérone par les cellules corticosurrénales. Grâce à cette découverte, il est désormais possible d'expliquer l'association entre l'obésité, l'hyperaldostéronisme et l'hypertension artérielle. La nature exacte des facteurs adipocytaires favorisant le relargage des minéralocorticoïdes reste à préciser, mais les chercheurs (université Heinrich-Heine, Düsseldorf) à l'origine de cette découverte espèrent que leurs travaux les conduiront jusqu'à de nouvelles pistes pour le traitement de l'hypertension associée à l'obésité.

L'aldostérone est un puissant minéralocorticoïde sécrété par le cortex surrénal. Elle favorise la rétention du sel et élève la pression artérielle. Un lien évident apparaît donc entre l'hypertension et l'hyperaldostéronisme. En revanche, le mécanisme par lequel l'indice de masse corporel peut conduire à un hyperaldostéronisme était jusqu'ici complètement inconnu.

Les adipocytes, des cellules endocrines

Les adipocytes étant des cellules endocrines très actives, Ehrhart-Bornstein et coll. ont fait l'hypothèse qu'il devait exister une influence directe de produits sécrétés par les tissus adipeux sur la stéroïdogenèse corticosurrénale.
Ils ont choisi de tester cette hypothèse in vitro en utilisant, d'une part, des adipocytes humains prélevés sur des femmes en bonne santé et, d'autre part, une lignée de cellules corticosurrénales humaines cultivées en laboratoire (NCI-H295R).
Les adipocytes prélevés ont été mis en culture en milieu liquide. Au bout de vingt-quatre heures, une quantité importante de triglycérides, d'acides gras, de leptine, d'adiponectine, d'IL6 et d'autres facteurs ayant été sécrétée par les adipocytes, le milieu de culture a été récupéré.
Des cellules corticosurrénales NCI-H295R ont été mises en présence de ce milieu de culture conditionné par les adipocytes. Ehrhart-Bornstein et coll. ont alors observé une stimulation importante de la stéroïdogenèse : sous l'action d'un ou de plusieurs facteurs contenus dans le milieu de culture conditionné, la sécrétion d'aldostérone par les cellules corticosurrénales est multipliée par 7 et la transcription d'un gène impliqué dans la synthèse des stéroïdes (StAR) l'est par 9,8.
Ni la leptine, ni l'adiponectine, ni l'IL6 ne semblent responsables de cet effet stimulateur. En revanche, l'angiotensine II est bien capable d'activer la sécrétion de l'aldostérone, cela par l'intermédiaire du récepteur AT1. Mais en présence d'un antagoniste de ce récepteur, le milieu de culture conditionné par les adipocytes exerce toujours son activité simulatrice sur la sécrétion d'aldostérone. L'angiotensine II n'est donc pas impliquée dans l'effet observé par Ehrhart-Bornstein et coll. De plus, ce résultat démontre que le ou les facteurs sécrétés par les adipocytes, et responsables de la sécrétion d'aldostérone, n'agissent pas en utilisant le récepteur AT1.
L'utilisation d'une technique de filtration par centrifugation a finalement conduit les auteurs à conclure qu'au moins deux facteurs participaient à cette stimulation : 1) un facteur dont le poids moléculaire est supérieur à 50 kilodaltons (kDa) et qui est responsable de 60 % de l'activité totale du milieu de culture conditionné, et 2) un facteur dont le poids moléculaire est inférieur à 50 kDa.

Au moins deux facteurs en combinaison

Ce second facteur n'a pas d'activité propre, mais il potentialise celle du facteur de plus haut poids moléculaire : c'est l'interaction entre les deux facteurs qui conduit à la stimulation de la sécrétion d'aldostérone par les cellules corticosurrénales. Ces deux facteurs sont sensibles à la chaleur (un traitement de quinze minutes à 99 °C les détruit) et précipitent en présence de 70 % de sulfate d'ammonium. Cela suggère qu'il s'agit de protéines. Des études complémentaires seront nécessaires à leur caractérisation.
In vivo, les glandes surrénales sont entourées de tissus adipeux et contiennent des cellules graisseuses en contact direct avec les cellules corticosurrénales responsables de la synthèse et de la sécrétion des stéroïdes. Une activité paracrine des facteurs sécrétés par les adipocytes et mis en évidence par Ehrhart-Bornstein et coll. pourrait par conséquent conduire à la stimulation de la stéroïdogenèse au niveau du cortex surrénal. Ces facteurs pourraient en outre agir à distance (lorsqu'ils sont sécrétés par des adipocytes localisés dans d'autres régions de l'organisme) via la circulation sanguine.

M. Ehrhart-Bornstein et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée, à paraître prochainement sur www.pnas.org

Elodie BIET

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7423