De notre correspondante
à New York
BON NOMBRE d'études ont montré que les femmes grandes ont un risque plus élevé de cancer du sein, tandis que les femmes obèses ont un risque réduit avant la ménopause mais majoré après. Des lors, une question se posait : ces associations chez la femme adulte pourraient-elles en fait refléter certains aspects de la croissance intervenant plus tôt dans la vie ?
Ahlgren et coll. (centre danois de science épidémiologique, Copenhague) ont étudié cette question dans une grande cohorte de femmes danoises dont la taille et le poids avaient été relevés chaque année pendant leur scolarité à Copenhague. Ces femmes étaient nées entre 1930 et 1975.
L'analyse porte sur plus de 117 000 femmes dont le numéro d'immatriculation civile (système d'enregistrement civil danois) a pu être identifié, et dont il ne manquait aucune information ayant trait à leur poids et leur taille à l'âge de 8, 10, 12 et 14 ans et leur âge lors de leur pic de croissance. Leur numéro d'immatriculation civile (CRS) a permis de les identifier dans les registres nationaux, notamment le registre danois du cancer et le registre du groupe coopératif danois du cancer du sein.
Un suivi de 3,5 millions de personnes-années.
Dans cette cohorte, 3 340 cas de cancers du sein ont été observés pendant près de 3,5 millions de personnes-années de suivi.
Les résultats de l'analyse révèlent un certain nombre de facteurs de risque indépendants pour le cancer du sein : un poids de naissance élevé, un jeune âge lors de la croissance maximale, une taille élevée à 14 ans, et un faible IM (indice de masse corporelle) à 14 ans.
Ces résultats confirment ainsi l'association positive entre le poids de naissance et le risque de cancer du sein (principalement avant la ménopause), et l'association inverse entre l'adiposité de l'enfance et le risque de cancer du sein. Cette dernière association pourrait être liée aux effets des estrogènes produits par le tissu adipeux qui favorisent la différenciation de l'épithélium mammaire.
Une nouvelle information importante est qu'une croissance rapide entre 8 et 14 ans confère un risque additionnel de cancer du sein, indépendant de la taille finale d'une femme.
Ces résultats démontrent que des « facteurs influençant la croissance durant la vie fœtale, l'enfance et l'adolescence sont d'importants facteurs de risque indépendants pour le cancer du sein durant la vie adulte », concluent les chercheurs.
Les auteurs ont calculé les risques imputables dans l'hypothèse d'associations causales. Ainsi, estiment-ils, si toutes les femmes avaient un poids de naissance dans la plus faible catégorie (quintile le plus bas), le nombre de cas de cancers du sein serait diminué de 7 %. De la même façon, si toutes les femmes étaient dans le quintile le plus bas de la taille à 14 ans, dans le quintile supérieur de l'IMC à 14 ans et dans le quintile supérieur de l'âge lors de la croissance maximale, le nombre de cas de cancers du sein serait réduit respectivement de 15 %, 15 %, et 9 %.
Néanmoins, comme le remarquent les Drs Michels et Willett (Harvard School of Public Health, Boston) dans un éditorial associé, il ne faut pas interpréter nécessairement ces associations comme étant directement causales. Par exemple, un faible poids de naissance pourrait être lié à un taux génétiquement déterminé d'un facteur de croissance qui affecte plus tard les cellules mammaires ; dans ce cas, une modification du poids de naissance pourrait ne pas changer le risque de cancer du sein. De plus, la modification de ces facteurs de risque pourrait ne pas être souhaitable pour la santé globale, à l'exception de la rapide croissance au début de l'adolescence.
Des facteurs de croissance jouent probablement un rôle.
Il reste à découvrir les mécanismes biologiques responsables de ces associations observées. Des facteurs de croissance jouent probablement un rôle. L'identification de certains mécanismes pourrait conduire à des stratégies préventives.
Les éditorialistes évoquent un facteur de risque hypothétique : le lait. Le lait a été mis en cause dans les rapides changements de croissance survenus chez les filles japonaises, en partie du fait de son contenu protéique, mais également parce qu'il est riche en de nombreuses hormones anaboliques. Il a été confirmé récemment que la consommation de lait élève les taux circulants du facteur de croissance insuline-like 1 et est associée à une taille plus grande. « Ce ne sera pas une tâche facile que de comprendre comment ces facteurs et d'autres sont liés à la croissance durant l'enfance et au risque de cancer du sein, mais c'est une tâche qui mérite que l'on s'y intéresse sérieusement », soulignent-ils.
« New England Journal of Medicine », 14 octobre 2004, pp. 1619 et 1679.
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