Une protéine dans le contrôle de la synthèse d'APP

Un lien entre Alzheimer et X fragile

Publié le 18/03/2007
Article réservé aux abonnés

UNE ÉTUDE américaine vient de mettre en évidence un lien moléculaire entre la maladie d'Alzheimer et le syndrome de l'X fragile. Certes, ces deux maladies affectent les fonctions cérébrales, mais jusqu'ici elles semblaient n'avoir aucun autre point commun. Pourtant, Westmark et coll. (université du Wisconsin) ont découvert que la protéine FMRP impliquée dans l'étiologie du syndrome de l'X fragile interagit avec les ARN messagers codant pour la protéine précurseur de l'amyloïde (APP).

FMRP réprime leur traduction en protéine.

Le syndrome de l'X fragile est associé à une altération de la séquence du gène fmr-1,un gène porté par le chromosome X. La séquence de ce gène contient une région composée d'un nombre variable de répétitions du triplet CGG. Chez la majorité d'entre nous, le triplet est répété moins de 40 fois. Mais chez certaines personnes le nombre de répétitions peut dépasser 200. Dans ce cas, le gène n'est plus transcrit.

Le gène fmr-1 code pour la protéine FMRP, un facteur de régulation de l'expression génétique. FMRP se fixe à certains ARN messagers et réprime ainsi leur traduction en protéine. Chez les personnes atteintes d'un syndrome de l'X fragile, ce système de répression de l'expression génétique n'existe plus.

Jusqu'à présent, plus de 500 ARN dont la traduction est inhibée par FMRP ont pu être identifiés. Beaucoup d'entre eux sont impliqués dans les fonctions synaptiques nécessaires à l'intercommunication neuronale. Il a en outre été montré que l'interaction de FMRP avec ses cibles nucléotidiques a préférentiellement lieu au niveau de régions riches en guanines, capables de former des structures « en cage » nommée G-quartet. A la recherche de nouvelles cibles de la protéine FMRP, Westmark et coll. ont scanné les banques de données moléculaires afin d'identifier des gènes dont le produit de transcription forme de telles structures. Les chercheurs ont ainsi découvert que la séquence codant pour l'APP possédait cette propriété.

L'existence d'une interaction entre FMRP et les ARN messagers d'APP a été confirmée in vitro dans des synaptoneurosomes de rats. L'utilisation d'anticorps anti-FMRP permet en effet d'en isoler des complexes nucléoprotéiques comprenant la protéine FRMP et des ARN messagers d'APP. L'interaction entre les deux molécules semble directe.

La fonction précise d'APP est encore mal comprise, mais il est admis qu'elle participe à la formation des synapses nerveuses au cours du développement. Il a été observé qu'une partie des ARN messagers codant pour l'APP reste dans les neurones à l'état quiescent jusqu'à ce que la cellule soit excitée par des molécules de glutamate. La stimulation glutamatergique provoque la traduction de pool d'ARN en protéines, entraînant ainsi un pic de synthèse d'APP.

Un pic de synthèse d'APP.

Dans des neurones en culture, Westmark et coll. ont montré que la stimulation glutamatergique est associée à une dissociation rapide du complexe FMRP-APP ARNm, conduisant à la dérépression de la traduction des ARN messagers et au pic de synthèse protéique attendu. Dans des cellules mutantes pour le gène fmr-1, l'expression d'APP est en revanche indépendante des signaux glutamate. La traduction des ARN messagers codant pour APP y est constitutive puisqu'elle n'est jamais réprimée par FMRP. La mutation génétique conduit en conséquence à une accumulation d'APP qui sont clivées en peptides bêta-amyloïdes. L'analyse du cerveau de souris déficientes pour le gène fmr-1 montre d'ailleurs un contenu en peptides bêta-amyloïdes presque trois fois supérieur à celui observé dans le cerveau de souris témoins.

La signification de ces résultats pour les patients atteints du syndrome de l'X fragile reste à déterminer. Les travaux de Westmark et coll. suggèrent que leur risque de développer la maladie d'Alzheimer est accru, mais aucune observation allant dans ce sens n'a été faite jusqu'à présent.

C. J. Westmark et coll., « PLoS Biology », mars 2007.

> ELODIE BIET

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8128