LE RÉSULTAT positif de ce classement concrétise plusieurs années de travail dans le domaine de la prévention de la MA, explique au « Quotidien » Thierry Pillot, le responsable de l'équipe NML, dont le travail consiste à trouver des concepts et à en faire la preuve in vitro et sur des modèles animaux. L'équipe a développé trois approches.
Une approche nutritionnelle en agissant sur les apports lipidiques.
Avant de chercher à prévenir, il fallait comprendre ce qui se passe. De quinze à vingt ans avant l'apparition des troubles des performances cognitives, le cerveau est déjà endommagé. Or l'équipe a été à l'origine de la découverte du rôle neurotoxique du peptide bêta-amyloïde sous sa forme soluble d'oligomère (en 1999, avec une confirmation en 2000), qui exerce des effets particulièrement délétères au niveau de l'hippocampe. Le cerveau malade n'est plus capable d'éliminer cet oligomère, normalement présent mais en quantité moindre et associé à des facteurs qui assurent sa dégradation et son élimination. Focalisés sur la compréhension du mécanisme, les chercheurs ont découvert, en travaillant sur les acides gras oméga 3 DHA, qu'en modulant l'apport on peut réduire l'effet neurotoxique des oligomères bêta-amyloïdes. La démonstration est réalisée in vitro et sur des modèles animaux de MA. Les recommandations de l'AFFSA mentionnent un apport nécessaire de 1,7 mg/j, ce qui revient à consommer du saumon (ou du poisson gras), certaines algues et crustacés trois fois par semaine. On peut donc apporter l'acide gras sous la forme de produit nutraceutique ou dans des aliments « fonctionnalisés » (transformés et inclus dans des matrices). L'équipe de recherche travaille en partenariat avec des industriels sur des projets d'aliments fonctionnels enrichis en DHA optimisé. Plus intéressant est le fait d'obtenir une normalisation du rapport oméga 6/oméga 3, qui doit être de 3 et est plus souvent de 6 en raison du déséquilibre de l'alimentation des pays industrialisés. Un excès d'oméga 6 oblige à augmenter l'apport en oméga 3 pour contrebalancer, alors qu'il suffit de réduire les oméga 6 (précurseurs des cascades pro-inflammatoires) pour avoir un effet préventif avec des doses moindres d'oméga 3.
Une approche médicamenteuse-like, avec la recherche de cibles et leur validation sur des modèles.
L'équipe a identifié un récepteur neuronal qui prend en charge les lipides et protège les modèles animaux des effets des oligomères. Le ligand physiologique a été caractérisé et les outils sont prêts pour faire un « drug design ». Une perspective d'autant plus intéressante que le produit montre ses effets préventifs contre la neurotoxicité à faible dose.
Une approche en thérapie cellulaire, pour essayer de stimuler la synthèse des facteurs neurotrophiques.
Il existe dans les cerveaux vieillissants (et encore plus dans la MA) un défaut de synthèse des facteurs neurotrophiques, qui assurent la croissance et le maintien du SNC. La thérapie cellulaire consiste à administrer des cellules qui produisent une molécule protectrice sous une forme encapsulée, protégée, pour contrecarrer les effets du système immunitaire.
L'équipe utilise une lignée cellulaire déjà validée, qui a eu l'agrément pour la recherche clinique chez les humains, la lignée C2-C12. Les cellules sont encapsulées dans des billes en alginate. Implantées dans le cerveau, les cellules sécréteront des facteurs neuroprotecteurs, toujours contre les effets des peptides amyloïdes solubles. Le projet clinique, s'il existe, n'est pas pour demain. Il est d'abord nécessaire de faire la preuve du concept. L'étape in vitro est franchie, l'étape des essais sur les modèles animaux est en cours.
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