CERTAINS ont mis au point une sorte de cérémonial de lecture. Ainsi, le Dr Frédéric Gagnerie, rhumatologue parisien : «Je reçois “le Quotidien” non pas à mon cabinet, mais à mon domicile et c'est le soir, après dîner, que je m'y plonge. Je mets de la musique classique, je m'installe confortablement sur mon canapé. Et je vais à mes rendez-vous de prédilection: les pages consacrées à l'actualité professionnelle, bien sûr, l'actualité tout court, avec “24 heures du monde”, les nouvelles médicales, pour m'informer sur d'autres spécialités que la mienne. Et puis, hors médecine, les programmes de télévision, avec les petits coeurs décernés aux films et qui, depuis trente ans, ne m'ont jamais induit en erreur cinématographique. Il y aussi la page consacrée à l'actualité des arts, la première que je consulte le vendredi, car je suis un collectionneur impénitent.»
Lecture sélective et lecture critique.
D'autres l'aiment servi chaud, tel le Dr Georges Jung, généraliste à Compiègne. «Tous les matins, j'ouvre “le Quotidien” dès qu'il arrive avec le courrier. J'en fais une lecture sélective pour le médical, car il y a une telle diversité de sujets qu'il est indispensable de faire son tri. Pour les informations socioprofessionnelles, j'en prends et j'en laisse, avec une lecture critique ; en plus du “Quotidien”, je lis à tour de rôle “le Figaro”, “Libération”, ou “le Monde”, cela m'aide à bien diversifier les points de vue.»
Certains, comme le Dr Laurent Guiter, généraliste à Paris, ont besoin de vingt minutes ou d'une demi-heure pour se repaître de leur journal. «C'est une pause dans la frénésie des activités du matin. Une pause utile. Je me retrouve bien dans la manière d'aborder les sujets, même s'il faut parfois s'accrocher avec des articles scientifiques de haute volée, où, si vous n'avez pas un bon niveau en biologie, vous êtes rapidement largué.»
Certains ont développé une méthodologie de lecture originale, à l'exemple du Dr Jean-Benoît Chénique, généraliste au Chesnay (Yvelines) : «Pour l'actualité immédiate, je consulte les newsletters sur Internet, ce qui me permet de disposer tout de suite des nouvelles politiques et syndicales importantes. Pour le reste, cela attend le soir, avec un survol rapide du journal papier; si un article m'interpelle, je m'y plonge. Sinon, je remets la lecture détaillée à plus tard. En général, deux fois par semaine, je me donne le temps de lire deux ou trois numéros à la file.»
Parmi les étudiants, il y a déjà des accros, comme Clément Lazarus, en Dcem2 à la Pitié, qui profite de ses passages à la bibliothèque pour se jeter sur ce qu'il a rebaptisé son « Picsou magazine ». Simplement, explique-t-il, « c'est une manière de dire que sa lecture est à la fois répandue et récréative, même si, pour certains articles, l'effort de vulgarisation est limité. Tout n'est pas accessible à tous».
«Malgré tout, note Virginie Prade, étudiante en quatrième année à Lyon et présidente de l'Anemf (Association nationale des étudiants en médecine de France), en infos “pro”, même les sujets compliqués sont mis à la portée du plus grand nombre, grâce en particulier à des interviews très lisibles. Pour moi, “le Quotidien” fait partie de mon rituel du matin.»
Certains ont commencé plus tôt encore. «Bien avant mes études de médecine, j'interceptais“le Quotidien” auquel mon père, chirurgien des hôpitaux, était abonné, raconte le Dr Gagnerie. Evidemment, beaucoup de termes étaient pour moi ésotériques, mais le mystère qui s'en dégageait exerçait sur moi une sorte de fascination et n'est peut-être pas étranger à ma vocation.» Le rhumatologue se souvient encore que c'est dans « le Quotidien » qu'il a puisé certains sujets de discussion avec un père sévère et généralement distant. «Lorsque je suis devenu étudiant, les pages FMC me sont devenues utiles pour travailler mes questions d'internat. Par la suite, quand j'ai poursuivi ma formation à l'hôpital, j'ai délaissé “le Quotidien” au profit des revues spécialisées et je l'ai redécouvert quand je me suis installé. Cela fait plus de vingt ans qu'il m'accompagne.»
Ce compagnonnage au long cours, nos interlocuteurs l'entretiennent fidèlement au fil de leur vie professionnelle, nonobstant «les sentiments mélangés» qu'ils peuvent parfois éprouver, selon l'expression du Dr Jacques Marlein, généraliste à La Ferté-Millon (Aisne) et secrétaire général adjoint d'Espace Généraliste : «Mais même en cas de désaccord, il reste pour moi un outil de travail indispensable. Et c'est un fait que, depuis une trentaine d'années maintenant, vaille que vaille, je le lis tous les jours.»
«En quinze ou vingt ans, j'en ai laissé tomber beaucoup d'autres, mais ce journal a toujours fait partie de mon quotidien», confirme de son côté le Dr Guiter.
«L'“objet” “Quotidien” est partie intégrante de ma vie professionnelle», dit encore le Dr Chénique, depuis treize ans qu'il posé sa plaque.
Et même lorsque a pris fin l'exercice professionnel, ce lien tissé toute la vie durant ne se rompt pas. Retraitée depuis douze ans, le Dr Janine Soulié explique que, grâce au « Quotidien », elle continue de se «tenir au courant des avancées récentes» dans la spécialité qu'elle a exercée, la pédiatrie, mais aussi dans les domaines les plus divers. Après la médecine, il y a une vie. Et un journal qui va avec.
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