Un joker d'excellence

Classique

Charmant exercice de style pour faire briller les élèves des premières divisions, « Péchés de jeunesse », chorégraphie du danseur-étoile Jean-Guillaume Bart, n'a pas plus convaincu qu'à sa création en 2000. Ce ne sont pas les musiques de jeunesse très fades et métronomiques de Rossini qui relevaient l'intérêt de ce quasi-pastiche du style balanchinien.

En revanche « Jeu de cartes », ballet en trois « donnes » sur la musique néoclassique d'Igor Stravinski dans une chorégraphie de Janine Charrat, a aussitôt relevé l'intérêt de la soirée. Cette pièce créée en 1945 au Théâtre des Champs-Elysées est restée dans les mémoires par l'interprétation de Jean Babilée dans le rôle du Joker. Les décors et costumes d'après-Pierre Roy donnent beaucoup de relief à ce divertissement au style aussi pointu que sa musique et parfaitement dansé par tous les élèves. Parmi eux, Médhi Angot a emporté tous les suffrages par sa grande facilité, son aplomb et son engagement dans le rôle du Joker. Refusé au concours d'entrée dans le corps de ballet, ce jeune danseur comme on n'en a pas vu depuis longtemps est une des illustrations flagrantes des nombreux paradoxes qui règnent sur cette étrange maison.
La soirée s'achevait par une chorégraphie de Claude Bessy, « Mouvements » (1980), un coup de maître pour faire briller l'ensemble des quatre-vingts élèves de l'Ecole.
Sur les quatre mouvements de la « Première Symphonie » dite classique de Serge Prokofiev, Claude Bessy a eu quatre idées formidables. Au lever du rideau cinq groupes de quatre jambes et pieds dressés et éclairés sélectivement forment un étrange ballet sur la grande scène vide et noire. Puis les bras prennent leur tour et enfin les danseurs apparaissent entiers... sur patins à roulettes. Le dernier mouvement est un long serpent qui se déroule du plus jeune au plus âgé des élèves, du Foyer de la Danse au fond de la scène jusqu'à la fosse d'orchestre. L'impression est irrésistible. Une belle réussite à l'actif de la directrice et de l'Ecole qui viennent d'être vivement secoués par une cabale à la suite de la publication d'un rapport interne à l'Opéra de Paris sur « la souffrance au travail ».
Il n'appartient pas au critique d'entrer dans cette polémique qui relève plus d'un phénomène de société que de l'art de la danse. Il lui appartient d'en juger le résultat, une excellente soirée de plus à l'actif d'une Ecole qui n'a cessé de nourrir le Ballet d'excellents éléments. Claude Bessy prendra bientôt sa retraite et serait remplacée par l'Etoile Elisabeth Platel... L'Opéra de Paris lui rendra hommage l'an prochain au cours d'une soirée de gala au palais Garnier le 30 mars 2004.

Opéra-Garnier (08.92.89.90.90). Prochain spectacle : « la Petite Danseuse de Degas », création mondiale, chorégraphie de Patrice Bart, musique originale de Denis Levaillant. Du 25 avril au 9 mai. Prix des places : de 6 à 67 euros.