«OUI, le cannabis est dangereux! Et si nous ne voulons pas répéter l'épidémie tabagique du XXesiècle, nous devons sans tarder sonner l'alarme auprès des autorités. Quant à notre pratique quotidienne, nous devons désormais demander à nos patients non seulement s'ils fument, mais s'ils fument du cannabis, afin de pouvoir leur donner un minimum de conseils.» Essentiel du commentaire de Christian Brambilla et Marc Colonna (Grenoble) à propos d'un travail néo-zélandais publié par l'« European Respiratory Journal ». Richard Beasley et coll. y rapportent un risque majoré de cancer bronchique chez les fumeurs de cannabis. Et ce, indépendamment d'un tabagisme associé. Ils avancent même un nombre : en puissance cancérogène, un joint équivaut à 20 cigarettes.
Le travail est parti d'un constat : de plus en plus de jeunes consomment du cannabis, dans de nombreux pays. Et la Nouvelle-Zélande se prête bien à une étude entre cette pratique et le cancer bronchique parce que les consommateurs y ajoutent rarement du tabac à leur joint.
L'équipe a donc consulté les registres de huit districts sanitaires (soit 1,8 million d'habitants). Ils y ont recensé les patients âgés de moins de 55 ans et porteurs d'une tumeur broncho-pulmonaire, entre 2001 et 2005. Ils ont ainsi identifié 102 sujets, les ont contactés et ont obtenu 79 participations volontaires. Ils ont été comparés à 324 témoins. L'enquête a été réalisée sur le mode d'un questionnaire, rempli à domicile, face à un examinateur entraîné. Alors que tous les facteurs de risque de cancer bronchique étaient explorés, si plus de 20 joints avaient été fumés au cours de la vie, un interrogatoire plus détaillé était déclenché. Il portait sur l'âge de début, la fréquence et la façon de fumer du haschisch.
Le risque de cancer bronchique est multiplié par 5,7.
A l'analyse des questionnaires, un lien très net apparaît au-delà d'un seuil de consommation. Dans le groupe qui déclarait avoir fumé plus de 10 joints-années (c'est-à-dire, un joint par jour pendant dix ans, ou deux par jour sur cinq ans…), le risque de cancer bronchique est multiplié par 5,7. Un chiffre obtenu après ajustement selon les divers facteurs de risque, dont le tabagisme. Sur une période prolongée, le risque augmente de 8 % par joint-année. Les auteurs admettent que même si la comparaison des risques dus au tabac et au cannabis n'est pas des plus simples, il apparaît qu'un joint procure le même risque que 20 cigarettes.
Le travail de Richard Beasley et coll. se montre alarmiste. Selon eux, le cannabis pourrait être responsable de 5 % des tumeurs bronchiques en Nouvelle-Zélande. Et surtout, ils redoutent une « épidémie » de cancers bronchiques liés au cannabis, dans les pays où la consommation va croissant. Ils déplorent ce constat, alors que l'incidence de ce cancer commence à régresser dans certaines nations grâce aux politiques de lutte contre le tabagisme. Le cannabis, expliquent-ils, est logiquement plus dangereux que la cigarette. Il contient deux fois plus d'hydrocarbures polyaromatiques carcinogènes. La façon de fumer aussi joue son rôle : pas de filtre ; le joint est fumé jusqu'au bout ; les inhalations sont plus profondes et plus longues, favorisant les dépôts bronchiques ; enfin, le passage sanguin de CO serait cinq fois plus important.
« European Respiratory Journal », vol. 31, n° 2.
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