Roger-Gérard Schwartzenberg, le ministre de la Recherche, avait annoncé, lors du dernier Téléthon, la création prochaine d'un institut des maladies rares. Tout compte fait, cet institut prend la forme d'un groupement d'intérêt scientifique (GIS) dirigé par le Pr Alain Fischer (hôpital Necker) et s'installe sur le site de la plate-forme des maladies rares, à l'hôpital Broussais. Mardi, les partenaires du GIS se sont réunis au ministère de la Recherche pour en signer la convention constitutive.
« Un pas important vient d'être franchi, se félicitent l'AFM et l'Alliance maladies rares. C'est en effet la première fois que, autour des maladies rares, des associations de malades (AFM, Alliance maladies rares), des ministères (Recherche, Santé, Industrie) et des organismes publics (CNRS, INSERM, CNAMTS) se réunissent dans un projet commun visant à stimuler, développer, coordonner et rationaliser la recherche. »« Je pèse l'attente des malades, des familles, déclare Alain Fischer. Toutefois, ce nouvel institut ne doit pas occulter toutes les recherches qui ont déjà été menées dans ce secteur, avec notamment la création de la base de données Orphanet ou celle du Centre national de génotypage. »
Chacune des maladies rares concerne moins de 1 personne sur 2 000, par définition. Mais les malades, eux, ne sont pas si rares, si l'on tient compte du nombre élevé de pathologies (entre 5 000 et 8 000) et si « l'on rapporte la prévalence aux 60 millions d'habitants que compte la France », rappelle Lucien Abenhaïm, directeur général de la Santé. Orphanet a établi l'âge d'apparition pour 400 maladies : les trois quarts d'entre elles sont présentes dès la naissance ou apparaissent avant l'âge de 2 ans. L'espérance de vie, estimée pour 280 maladies, est inférieure à cinq ans pour 30 % des maladies étudiées et inférieure à trente ans pour 50 % d'entre elles. Il existe un risque vital possible pour 43,3 % des maladies étudiées.
Pour contrer l'absence de prise en charge et la pose tardive de diagnostic, le GIS va donc tenter de développer la recherche publique sur les maladies rares. En renforçant, par exemple, la synergie avec le Centre national de génotypage pour l'identification de gènes et la mise au point de nouveaux traitements.
Diagnostic et données cliniques
Une mesure qui réjouit le Dr Ségolène Aymé, la directrice d'Orphanet, un serveur d'informations sur les maladies rares, car, « depuis que l'AFM a cessé de soutenir financièrement ce secteur pour se recentrer sur les maladies neuromusculaires et la thérapie génique, le clonage des gènes de maladies rares s'est considérablement ralenti. » Or il s'agit d'une « étape indispensable pour la mise au point de tests diagnostiques. Actuellement, seulement 614 maladies rares ont un test biologique diagnostique ».
En outre, les données cliniques sur ces maladies manquent ; leur histoire naturelle est souvent méconnue. Ségolène Aymé souhaite que le GIS aide à constituer des cohortes et à analyser les données ainsi recueillies. « Il faudrait créer un centre ressource pour l'aide méthodologique, la distribution d'outils génériques, la mise à disposition de plates-formes technologiques. »
Autre volet de la recherche sur les maladies rares qui pose problème : les essais cliniques, boudés par l'industrie pharmaceutique, car jugés peu rentables. Orphanet propose que soient financés des essais académiques et que soit créé un outil informatique qui permette de centraliser les données recueillies auprès des patients dans toute l'Europe.
Le GIS dispose dès à présent de moyens humains et logistiques pour relever ces défis, d'après le ministre de la Recherche. Son budget de départ, 1,5 million d'euros, est supposé gonfler à mesure de la montée en puissance de l'institut. Le conseil scientifique, qui compte quinze membres, dont quatre étrangers, élaborera les appels d'offre (le premier aura lieu à l'automne) et évaluera les programmes proposés. A l'heure actuelle, 1 277 projets de recherche sur les maladies rares sont en cours en France ; ils se déroulent dans 602 laboratoires ou services. L'objectif est de mieux les coordonner et d'inciter à lancer de nouveaux projets. Grâce au Téléthon 2001, l'AFM s'engage à en financer certains à hauteur de 2,1 millions d'euros.
Pour Roger-Gérard Schwartzenberg , « le GIS vient compléter le dispositif que nous avons commencé à mettre en place le 23 octobre 2001, avec Bernard Kouchner : la plate-forme des maladies rares à l'hôpital Broussais ». Laquelle réunit en un même lieu quatre associations, Alliance maladies rares, Eurordis, Maladies rares Info Service (qui remplace Allô-Gène) et Orphanet. « En à peine six mois, les retombées de la création de cette plate-forme sont extraordinaires, s'enthousiasme Ségolène Aymé. Quarante nouvelles associations ont rejoint l'Alliance maladies rares, le nombre d'appels téléphoniques vers la ligne d'écoute a doublé (40 par jour), des réunions entre malades et chercheurs se tiennent chaque week-end dans nos locaux de l'hôpital Broussais, les partenaires industriels ont désormais un lieu unique pour discuter. Nous sommes dans une spirale de succès. Souhaitons que l'institut des maladies rares connaisse le même devenir. »
Une dimension européenne
Pour le ministre de la Recherche, le nouveau GIS doit aider la recherche sur les maladies rares, non seulement en France, mais également à l'étranger. « Notre GIS peut et doit devenir la pierre angulaire d'un futur institut européen des maladies rares. » Le président de l'AFM, Eric Molinié, est très attaché à cette dimension européenne. « Rappelons-nous que le premier succès de thérapie génique, réalisé par l'équipe d'Alain Fischer, a concerné trois "enfants bulles" de nationalité différente : un Français, un Hollandais et un Anglais. »
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