C'EST UN TRAVAIL collaboratif entre des chercheurs de l'Inra et du centre de recherche Nestlé qui a mis en évidence un effet de l'allaitement maternel dans la mise en place de la flore digestive du nouveau-né.
L'être humain vit en symbiose avec les micro-organismes, et notamment les bactéries, sans lesquelles il ne pourrait fonctionner normalement. Mais son système immunitaire doit être capable de faire la distinction entre celles qui lui sont utiles et celles qui sont nuisibles. On sait que la constitution de la flore microbienne digestive est essentielle pour la mise en place et « l'éducation » des fonctions immunitaires. Ce qui permet à l'intestin de reconnaître les bactéries utiles ou neutres pour l'organisme et de les tolérer pour les héberger. Et d'identifier les pathogènes pour les combattre.
Des mécanismes de contrôle déjà in utero.
Les cellules dendritiques muqueuses via des récepteurs de reconnaissance, tels que les TLR (Toll-Like Receptors), répondent aux microbes qui bombardent la muqueuse intestinale. De ce phénomène résulte la tolérance ou la protection contre les pathogènes. Mais, chez le nouveau-né, des mécanismes sophistiqués de contrôle, qui existaient déjà in utero, s'ajoutent aux autres pour permettre une colonisation réussie et l'assemblage de colonies bactériennes spécifiques, en l'absence d'une immunité déjà constituée.
Les différences de colonisation bactérienne et de susceptibilité aux maladies entre les enfants allaités et ceux nourris par des formules commerciales ont suggéré que ce mécanisme additionnel s'acquiert par le lait maternel. Ces données sont confirmées par le présent travail.
Au moment de la naissance, le tube digestif de l'enfant n'est pas colonisé par la flore microbienne. Pendant la vie foetale, à partir du 6e mois, il a bu du liquide amniotique, qui ne contient pas les micro-organismes nécessaires. Mais dès qu'il atteint sa vie terrestre, le nouveau-né va être en contact avec les bactéries de son environnement : flore vaginale, puis environnement (air, aliments, etc.).
Pour mieux comprendre l'influence de l'allaitement maternel dans la mise en place de la flore intestinale des enfants, les chercheurs de l'Inra et de la firme Nestlé (Lausanne) ont étudié des couples mère-nouveau-né à partir de la naissance jusqu'à quatre semaines en post-partum.
Transport cellulaire à partir de l'intestin maternel.
Chez huit couples mère-nouveau-né, «nous avons constaté la présence d'un inoculum bactérien naturel dans le lait maternel et son transport cellulaire, à partir de l'intestin maternel, jusqu'au sein, par la circulation sanguine», expliquent les chercheurs dans leur article conjoint, dans la revue « Pediatrics ». Une méthodologie rigoureuse a été mise en place pour éviter les contaminations.
«Les leucocytes du lait sont des cellules qui ont migré à partir de l'intestin –et du tissu lymphoïde bronchique associé– jusqu'aux glandes mammaires, en empruntant les vaisseaux lymphatiques et la circulation sanguine.» Ce circuit peut expliquer que certains germes sont convoyés jusqu'aux glandes mammaires sans effet délétère sur l'organisme maternel.
C'est ce que démontrent les équipes dans un travail en deux temps. Ils ont d'abord examiné la présence des bactéries dans le lait humain, le sang et les fèces de l'enfant au cours de l'allaitement. Dans une deuxième étude, ils ont suivi la présence de certaines séquences bactériennes chez des souris non gestantes, gestantes et allaitantes. Ce qui montre que le phénomène de transport est généralisable selon les espèces.
«Les mêmes espèces bactériennes appartenant aux genres Bifodobacterium, Streptococcus et Staphylococcus sont présentes dans le lait des mères allaitantes et dans la flore intestinale de leurs enfants.» Les séquences caractéristiques de ces espèces sont également trouvées dans les cellules sanguines de la mère, ce qui suggère le voyage à travers l'organisme de la mère, depuis le tube digestif jusqu'au lait, puis jusqu'à l'intestin de l'enfant.
L'étude complémentaire chez la souris a montré que des bactéries de l'intestin sont présentes dans les ganglions et dans les glandes mammaires dès la fin de la gestation. Chez les rongeurs, ce transfert de bactérie se met en place avant même la naissance du nouveau-né.
Pablo Perez et coll., « Pediatrics », vol. 119, n° 3, mars 2007.
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