LA RETINITE PIGMENTAIRE est une maladie rétinienne neurodégénérative qui cause la mort des photorécepteurs, conduit à une perte progressive de la vision et aboutit à la cécité. Une quarantaine de gènes ont été mis en cause dans la forme monogénique, ce qui souligne la complexité des mécanismes physiopathologiques en cause. Les études d’intervention ont fait envisager la possibilité d’utiliser des facteurs neurotrophiques comme agents thérapeutiques.
Le facteur neurotrophique ciliaire (CNTF, Ciliary NeuTrotrophic Factor) s’est révélé efficace pour retarder la dégénérescence rétinienne chez au moins treize modèles animaux de rétinite pigmentaire. Le CNTF a été identifié dans des études chez le poussin impliquant les neurones du ganglion ciliaire de l’oeil (petit ganglion nerveux situé près du fond de l’orbite du côté externe du nerf optique ; les nerfs ciliaires en partent).
Le CNTF est un membre de la famille des cytokines IL6. Les essais sur des modèles animaux de neurodégénérescence ont aussi donné des résultats prometteurs.
Des études précliniques utilisant une délivrance de CNTF par cellules encapsulées ont eu pour résultat une protection dose-dépendante des photorécepteurs chez un chien portant une mutation de dégénérescence rétinienne.
Mais, jusqu’ici, la cytokine n’avait pas encore été testée sur des malades.
Paul Sieving et coll. (Bethesda) ont engagé une étude de phase I à l’aide des nouvelles techniques de cellules encapsulées, pour faire parvenir le CNTF jusqu’à la rétine de dix malades. Ainsi, l’agent neurotrophique a été délivré par des cellules rétiniennes humaines, transfectées par le gène humain et séquestrées à l’intérieur de capsules. Ensuite, ces capsules ont été implantées chirurgicalement à l’intérieur du corps vitré d’un oeil chez chacun des malades. La membrane extérieure de l’implant est semi-perméable, ce qui permet au CNTF d’atteindre la rétine, mais elle empêche les attaques du système immunitaire. L’essai a été mené sur une période de six mois. Les patients 1 à 5 ont reçu des doses plus faibles que les sujets 6 à 10. Au final, aucun implant n’a été rejeté, il n’y a pas eu d’inflammation oculaire et aucun des effets secondaires dépassant les critères de définition de l’essai de phase I de sécurité n’est survenu.
Une amélioration clinique a été constatée.
Après les six mois, les implants ont été retirés. Les observateurs constatent alors avec satisfaction qu’ils contiennent des cellules viables et qu’ils ont donné lieu à une délivrance du CNTF à des taux considérés comme thérapeutiques lors des essais sur les modèles canins.
«Bien que l’étude n’ait pas été conçue pour juger de l’efficacité clinique, celle-ci a été constatée.» Pour sept yeux chez ces malades, l’acuité visuelle était suffisante pour être mesurée à l’aide du matériel de lecture utilisé en clinique.
Pour trois de ces yeux, une amélioration de l’acuité a été mesurée de l’ordre de 10 à 15 lettres, l’équivalent de deux à trois lignes lues sur les classiques planches de Snellen pour mesurer l’acuité visuelle.
Un déchirement choroïde est survenu sur un oeil en postchirurgical, avec une perte d’acuité visuelle transitoire. Cet accident a pu être résolu de manière conservatrice, notent les opérateurs.
«Cet essai de phaseI indique que l’utilisation de CNTF est sûre pour la rétine humaine, même si les photorécepteurs sont sévèrement altérés.»
L’approche de délivrance thérapeutique, en utilisant des implants de cellules encapsulées à des rétines malades, peut avoir des applications au-delà de la rétinite pigmentaire.
« Proc Natl Acad Sci USA », 7 mars 2006, vol. 103, n° 10, 3896-3901. Edition en ligne avancée.
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