Les leçons de l'épidémie de diabète en Inde

Un IMC qui monte depuis l'enfance

Publié le 25/02/2004
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L'EPIDEMIE de diabète de type 2 concerne aussi les pays en développement, comme l'Inde. Cette épidémie est attribuée à ce que l'on appelle la « transition nutritionnelle », une combinaison de changements - disponibilité accrue des aliments, réduction d'activité physique et augmentation de l'obésité - observée dans certains pays en développement, notamment dans les populations urbaines.
On pense que le diabète de type 2 pourrait provenir d'événements survenant durant la période fœtale et d'un mode particulier de prise de poids durant l'enfance. On sait en effet que le diabète de type 2 est plus fréquent chez les individus qui naissent petits (faible poids de naissance) et présentent une surcharge pondérale ou une obésité à l'âge adulte. Toutefois, on ne sait pas bien si la phase cruciale de prise de poids survient dans la jeune enfance, l'enfance, à l'adolescence ou à l'âge adulte. Des études longitudinales étaient donc nécessaires pour éclaircir cette question ; l'objectif étant de déterminer à quel âge il serait important de mettre en œuvre des interventions préventives.
Une telle étude a été menée en Inde, près de New Delhi.
Bhargava et coll. ont étudié près de 1 500 adultes (hommes et femmes) âgés de 26 à 32 ans, nés à Delhi entre 1970 et 1972, et qui ont été pesés et mesurés régulièrement depuis la naissance dans le cadre d'une étude prospective de population (19 % de la cohorte originale).
Parmi ces jeunes adultes, 10,8 % présentent une intolérance au glucose et 4,4 % un diabète.

Un rebond d'adiposité vers 6 ans.

Voici ce qu'ont découvert les investigateurs. Les sujets porteurs d'une intolérance au glucose ou d'un diabète sont caractérisés par un faible IMC de la naissance à l'âge de 2 ans (IMC : indice de masse corporelle = poids en kg divisé par le carré de la taille en mètres), un jeune âge au rebond d'adiposité (l'IMC diminue après l'âge de
2 ans, puis s'élève à nouveau ou rebondit vers l'âge de 6 ans) et une augmentation accélérée de l'IMC jusqu'à l'âge adulte.
Toutefois, malgré ce gain accéléré d'IMC durant l'enfance, aucun des sujets avec une intolérance au glucose ou un diabète à l'âge adulte n'était obèse à 12 ans et seulement 3 % avaient une surcharge pondérale ; leur prévalence d'obésité et de surpoids à 16 ans restait également basse (0,5 % et 11,4 %, respectivement).
En revanche, une augmentation de 1 DS de l'IMC entre l'âge de 2 et 12 ans est associée à un accroissement de 36 % du risque d'intolérance au glucose ou de diabète (RR = 1,36 ; IC 95 % : 1,08 à 1,48).
« Nous proposons qu'une trajectoire ascendante de l'IMC, débutant tôt dans l'enfance, est à l'origine de l'épidémie actuelle de diabète en Inde », notent Bhargava et coll.
Ces résultats sont, toutefois, remarquablement similaires à ceux d'une autre étude menée en Finlande (« Diabetologia », 2003). Dans cette étude longitudinale portant sur plus de 8 700 habitants d'Helsinki nés entre 1934 et 1944, les adultes diabétiques avaient également un faible IMC de la naissance à 1 an, un rebond d'adiposité précoce (avant 5 ans) suivi d'un gain accéléré de l'IMC.

Prévention dès l'enfance.

« L'aptitude des enfants à présenter un gain accéléré d'IMC pourrait représenter un phénomène récent en Inde, une conséquence de la transition nutritionnelle », notent les investigateurs. « En supposant que le changement d'IMC est causal plutôt que le résultat d'une simple association avec le diabète, nous proposons que la principale prévention de l'épidémie du diabète en Inde pourrait exiger des mesures qui empêchent les enfants de passer dans des catégories plus élevées de l'IMC après l'âge de 2 ans. »

« New England Journal of Medicine », 26 février 2004, pp. 865 et 855.

> Dr VERONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7486