Antiquités
Un des herbiers plutôt. La botanique était en effet la grande passion du philosophe de la nature et la constitution d'herbiers un de ses passe-temps favoris. Il songea même un temps à en faire une activité rémunérée. Simple projet... Rousseau a néanmoins laissé une dizaine d'herbiers destinés à des amis et connaissances. Quatre ont plus ou moins disparu, quatre ont trouvé refuge dans des musées de Paris ou de Zurich, ce qui n'en laisse que deux dans des collections privées.
Pour Jean-Jacques, l'herbier n'est pas seulement une activité ludique ou un bel objet de collection, c'est avant tout un instrument pédagogique qui permet d'exercer l'esprit d'observation de l'enfant en le plaçant au plus près de cette chère Nature hors de laquelle il n'est point de salut. C'est dans cette optique qu'il entreprend en 1773 de constituer un herbier pour la petite Madelon Delessert, âgée de six ans, fille d'une de ses grandes amies et d'un banquier lyonnais assez connu.
Une cinquantaine de lettres
C'est cet herbier qui se retrouve aujourd'hui sous le feu des enchères avec une estimation d'environ 2 MF (300 000 euros) après avoir été conservé intact chez ses descendants et dans une famille suisse. Le naturaliste Alphonse de Candolle, qui l'a vu dans les années 1840, parle avec admiration de « Cet herbier... préparé avec un soin tout particulier. Chaque échantillon, parfaitement desséché, se trouve fixé au moyen de petites bandelettes dorées, sur des feuilles de papier bordées d'un cadre rouge, et les noms des plantes, en français et en latin, y sont tracés de la main même de Rousseau. » Rien n'a bougé depuis, les fleurs séchées sont toujours intactes sur leurs 167 feuilles blanches et sous leurs bandes de papier doré.
Elles sont accompagnées d'une cinquantaine de lettres à Madeleine Catherine, la mère de la jeune fille, dont Candolle avait aussi pris connaissance, « ces lettres charmantes où l'aridité de la science disparaît sous les agrément du style... ». On y retrouve la paranoïa du Genevois, qui s'y plaint de sa santé, de sa pauvreté, de la méchanceté des gens et de sa compagne Thérèse, « cette pauvre fille » récemment épousée après 25 ans de concubinage.
Plus intéressantes sont celles qui traitent de botanique pure. L'une d'entre elles, rédigée en 1769, nous montre le soin que Jean-Jacques apportait à la constitution de ses herbiers. Il demande à son amie, qui habite Lyon, de lui procurer « du beau papier et du carton fort bien battu, trois ou quatre feuilles de beau papier bleu et autant de papier rouge, le tout destiné à coller des plantes que j[212]ai apportées de Pila pour les envoyer à Mme la Duchesse de Portland... La couleur est pour faire ressortir les plantes à fleurs blanches sur un fond d'une autre couleur ». En fonction de leur intérêt, ces lettres autographes sont créditées chacune de 15 000 à 40 000 F (2 000 à 6 000 euros).
Une passion contagieuse
Pour la petite histoire Madame Delessert était, outre la jeune Madelon, la mère de nombreux enfants et cette année 1773 est aussi l'année de la naissance de son fils Benjamin. Le jeune garçon, qui n'avait que cinq ans à la mort du philosophe, fut saisi lui aussi par la passion de la botanique. De nombreuses plaques de rues à travers la France rappellent que Benjamin Delessert fut « l'inventeur » du sucre de betterave, à l'époque où le conflit naval anglo-français de l'époque napoléonienne nous privait du sucre de canne de nos colonies.
Mardi 16 octobre, 15 heures, 37, rue des Mathurins, étude Tajan.
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