Dans un petit village du nord de l'Italie appelé Limone sui Garda, on a recensé 40 porteurs d'une mutation du gène de l'apolipoprotéine A-I (cystéine remplacée par une arginine en position 173, ce qui permet une dimérisation des molécules d'HDL et qui conduit à l'existence de véhicules de transport lipidiques de grande taille). Tous ces sujets sont caractérisés par l'existence d'un taux de HDL cholestérol très bas mais, contrairement à ce qui est admis généralement, c'est-à-dire une relation inverse entre le taux d'HDL et le risque cardio-vasculaire, ces personnes vivent longtemps et en bonne santé. Partant de cette constatation, des chercheurs ont synthétisé cette forme spécifique de ApoA-I Milano et ils l'ont, dans un premier temps, injectée de façon expérimentale à des modèle animaux. Chez les souris et les lapins testés, l'utilisation de Apo A-I Milano permet de mobiliser rapidement le cholestérol circulant, d'induire son élimination et de réduire de façon particulièrement rapide la taille des plaques de cholestérol. Quarante-huit heures après une injection unique de cette substance, les premiers effets antiathérosclérotiques sont notés : réduction du contenu lipidique des plaques athéromateuses et de l'infiltration macrophagique.
Echographie endovasculaire
Chez l'homme, aucune stratégie thérapeutique n'a jusqu'à présent été développée afin d'agir spécifiquement sur le taux de HDL cholestérol, même si certaines des molécules antilipidiques actuellement sur le marché induisent une faible augmentation de cette variable.
Une équipe de cardiologues de la Cleveland Clinic a mis en place une étude entre novembre 2001 et mars 2003 afin d'évaluer l'intérêt de l'utilisation de l'apoA1 synthétisée (ETC-216) à deux dosages distincts chez des sujets atteints de syndromes coronariens aigus. L'étude en double aveugle, randomisée contre placebo a inclus 57 patients âgés de 30 à 75 ans qui avaient bénéficié d'une coronarographie et d'une échographie endovasculaire dans les quatorze jours suivant un syndrome coronarien aigu (angor instable, infarctus du myocarde sans élévation du segment ST ou infarctus du myocarde avec élévation du segment ST). Le critère angiographique d'inclusion était la présence d'une lésion coronaire entraînant une baisse de 20 % du diamètre vasculaire ; 10 patients n'ont pas complété l'étude, 2 en raison d'effets indésirables, 3 pour des raison personnelles et 5 dont les résultats d'échographie endovasculaires se sont révélés inexploitables. Sur les 47 sujets étudiés, 11 ont reçu un placebo, 21 une faible dose d'ETC-216 (15 mg/kg une fois par semaine par voie intraveineuse durant cinq semaines) et 15 une dose forte d'ETC-216 (45 mg/kg, selon le même protocole).
« A cinq semaines, les sujets traités par ETC-216 ont vu le volume de leurs plaques d'athérome diminué de 1,06 %, alors que chez les sujets sous placebo, cette valeur avait augmenté en moyenne de 0,14 %. Le volume d'athérome coronarien a pour sa part baissé en moyenne de 14,1 mm3 (soit 4,2 %) dans le groupe traitement actif contre une baisse de 2,9 % dans le groupe placebo », explique le Dr Stefen Nissen. La baisse moyenne était similaire quelle que soit la posologie d'ETC-216 utilisée.
Les auteurs reconnaissent que cette étude reste limité. D'une part, la taille de l'échantillon est faible. D'autre part, dans ce protocole, le diamètre des lésions a été comparé chez un même sujet avant et après traitement, chaque malade étant considéré comme son propre témoin, ce qui diminue la puissance de l'essai. En outre, le choix du critère principal évalué par échographie endovasculaire est controversé dans ce type d'étude de prévention secondaire : cet examen mesure en effet les modifications vasculaire et pas seulement celles du diamètre coronarien ; or aucun travail n'a jusqu'à présent établi un lien entre les modifications structurelles des vaisseaux et le risque de nouvel événement coronarien.
Néanmoins, pour le Dr Daniel Rader (Philadelphie), éditorialiste, « il s'agit de la première étude qui montre qu'une modification du diamètre coronarien peut être obtenu de façon très rapide. Il semblerait donc que le processus d'athérosclérose coronarienne soit plus dynamique que ce qui habituellement admis (les études mises en place jusqu'à présent évaluent cette donnée avec un recul de deux à trois ans). Ce travail suggère que chez les sujets atteints de syndromes coronariens aigus, une nouvelle stratégie thérapeutique pourrait être mise en place : administration d'un agent de mobilisation rapide du cholestérol dans un premier temps (type ETC-216) suivi de la prescription d'un traitement antilipidique conventionnel à long terme, dont les effets sont actuellement unanimement reconnus. Si ces découvertes se confirment, les deux prochaines décennies pourraient être celles du HDL cholestérol, comme les deux précédentes ont été celles du LDL cholestérol ».
« JAMA », 2003, 290 : 2322-2324 et 2292-2300, 5 novembre 2003.
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