De nouveaux outils développés par la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) permettent de relier des données concernant l’enfant et sa mère. Le Système national d’information interrégimes de l’assurance-maladie (SNIIRAM), à travers diverses consommations de médications et moyens de surveillance glycémique, et le Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), notamment avec les données sur les séjours, nous offrent la possibilité de disposer aujourd’hui enfin de big data médicales françaises et d’en savoir ainsi beaucoup plus sur nos patients, nos pratiques, nos résultats ! Jusqu’alors, seuls les Britanniques, scandinaves et américains disposaient de données de masse très instructives mais non transposables.
Cette fois, ce sont les accouchements qui ont été analysés par la CNAMTS : 806 579, soit l’ensemble des assurées par des établissements publics, ce qui représente 60 % de l’ensemble des accouchements en 2011.
Premier constat : les grossesses chez des femmes diabétiques concernent plus souvent un diabète prégestationnel de type 2 (DT2) que de type 1 (DT1). Les prévalences respectives sont de 0,24 % (1 896) contre 0,16 % (1 257), alors que le diabète gestationnel (DG) concerne 6,4 % de l’ensemble des grossesses (51 701). Le reste des grossesses concernait des femmes sans trouble de la glycorégulation (751 725). On peut y voir un signe de plus d’une montée en puissance du DT2, donc de son rajeunissement, et peut-être aussi un témoignage de grossesses chez des femmes migrantes, plus touchées par le DT2 et plus tôt dans leur vie. Notons que l’âge moyen des quatre groupes est assez voisin de 29,5 à 33 ans.
Complications
Les deux formes de diabète s’accompagnent d’un fort taux de complications soit, pour le DT2 et le DT1 respectivement : éclampsie, 4 et 6 fois plus ; macrosomie, 4 et 7 fois plus ; prématurité (accouchement entre 32-36 semaines), 3,3 à 5 fois plus. Les césariennes ont concerné 49 % et 58 % des femmes diabétiques soit 3 fois (DT2) et 4,3 fois (DT1) plus que les femmes non diabétiques – et 29 % pour les DG, soit 1,5 fois.
Au contraire, en cas de DG, la complication la plus fréquente est la macrosomie fœtale (OR 1,7). Les autres complications sont modérément augmentées ou identiques à celles des patientes non diabétiques. Aucun accroissement des morts fœtales, fractures de clavicules, détresse respiratoires.
Enfin, les risques néonataux et de malformations sont très nettement accrus en cas de DT 1 ou 2 : fractures de clavicules, malformations cardiaques, détresses respiratoires et morts fœtales. Celles-ci sont plus nombreuses pour les mères ayant un DT2 (31/1 000), qu’un DT1 (14/1 000), alors que le DG ne s’accompagne d’aucune surmortalité fœtale (4/1 000), vs 8/1 000 en l’absence de diabète. Ce risque de décès néonatal dans le DT2 reste inexpliqué.
Cette étude confirme donc le haut risque de morbidité maternofœtale lié aux diabètes prégestationnels, surtout le DT1. Il rassure quant aux conséquences du DG, dont la macrosomie reste le véritable risque. Celui-ci a une incidence relativement faible pour l’instant, l’étude étant intervenue au moment du changement de mode de dépistage. On est frappé par la montée en puissance du DT2, qui reste toutefois moins chargé de complications néonatales que le DT1, hormis en ce qui concerne la mortalité périnatale. Le recours à la césarienne nous semble particulièrement fréquent, y compris en l’absence de tout diabète !
Les limites de cette étude sont bien entendu l’absence de données sur les accouchements réalisés dans les autres établissements, soit 40 % de l’ensemble, et l’absence d’accès aux données prégestationnelles des patientes (HbA1c, durée de diabète, complications, mode de suivi, IMC et statut tensionnel). Néanmoins, cette étude de très grande envergure est à saluer. On peut se réjouir que la France dispose maintenant de ces outils utilisés à des fins épidémiologiques, pour l’établissement d’un diagnostic quant à nos pratiques et non dans le but de contrôler celles-ci. Bravo !
Billionnet C et al. OP 151. Pregestational diabetes (type 1 and 2), gestational diabetes : data from the french population in 2011.
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